Catacombes (pardon: as above, so below) arrive a point nommé pour m’aider à mettre elle doigt sur un truc qui me turlupinait depuis longtemps, et que je suis sûr que beaucoup d’entre vous, fins observateurs de la chose cinéphile que vous êtes (si si , je vous connais, à force), avez déjà remarqué depuis longtemps. Depuis la deuxième moitié des années 80, une écrasante majorité de films à vocation effrayante ont perdu une grand partie de leur potentiel terrifique.
Le façon dont notre surmoi peine de plus en plus à investir l’image d’une fantasmagorie propre à éveiller en nous de véritables frayeurs incontrôlées et ancestrales n’est pas due qu’au vieillissement ou à l’accumulation. Notre capacité à paniquer, dans la vraie vie, reste viscéralement intacte.
En dessous du niveau de l’amer
Plus que l’accumulation, la surexploitation ou le manque possible de moyen ou de talent, une explication est vite devenue sacrément séduisante: et si tout cela était dû à la démocratisation des jeux de rôle ? Cette réflexion s’étend à l’ensemble des univers non réalistes. Sous leur version première d’abord (papier, crayons, dés, cigarettes, bières), puis numérique ensuite, le phénomène reste le même: la possibilité pour chacun de développer autant de scénarii que voulus, dont l’imagination est la seule limite, a foutu les auteurs de cinéma (et de bouquins) dans une sacré panade. Le joueur invétéré a trop connu de situation folles, tordues, inventives, libres, incontrôlées (dont 50 ou 100 serviraient des fictions bien plus créatives que ce que nous propose la production actuelle) pour pouvoir accepter sans soupirer le canevas cadenassé d’un faiseur professionnel (hollywoodien ou non) engoncé dans une foultitude de contraintes financières, artistiques, légales ou contractuelles.
Génération de survie
Sans rire, comment ne pas songer à un bon Cthulhu quand on aperçoit le pitch de ce Catacombes ? Comment ne pas avoir envie comparer cette tentative pelliculaire avec un souvenir ému de sa jeunesse enfumée ? Surtout quand on se souvient que le jeu en question proposait un supplément «années folles» parisiennes particulièrement jouissif ? Comment ne pas déplorer le manque d’imagination proposé ici, quand nous revient à l’esprit qu’un scénar du jeu (un seul parmi une multitude) par exemple, expliquait que la tour Eiffel était une des cinq branches d’une étoile satanique titanesque enfouie au quatre cinquièmes, entrailles démesurées qu’il fallait explorer pour démêler les fils d’une intrigue passionnante ?
Certes, je ne m’attendais pas à quelque chose d’exceptionnel à la lecture de la très bonne critique de l’ami Lazein, connaissant la capacité du bonhomme au mauvais goût (le gars est supporter du PSG, rappelons-le), mais cela n’empêche pas une déconvenue légitime.
Devant l’épuisement des filons scénaristiques classiques, taris par la multiplication des possibilités ludiques, les cinéastes horrifiques n’ont plus que deux ou trois façons de s’en sortir: la qualité de la réalisation, de la représentation (décors, photo) et/ou de l’interprétation. Autant dire qu’ici, aucun de ces éléments n’est au rendez-vous.
Found footage de gueule
Les tares sont nombreuses dans ce as above, so below (dont le titre et l’affiche sont les meilleurs moments, au fond).
Jamais nous n’avons l’impression de pénétrer réellement dans les entrailles de Paris, sans arrêt limités par des boyaux cartonnés, sans âme ni histoire. Nulle démesure ni folie dans l’architecture des supposés enfers souterrains. Les énigmes à résoudre sont d’un niveau «livre dont vous êtes le héros» (niveau en dessous (on reste dans le thème) et dans l’univers ludique enfantin pour le coup) et résolus à la chaine par notre exploratrice hystérique et son souffre-douleur inconsistant.
D’ailleurs, qui sont ces jeunes oisifs désœuvrés qui parcourent le monde sans avoir besoin d’exercer un véritable travail en dehors de leurs explorations fantastiques ? Comment ces gens ont-ils accumulés une dose de connaissances que d’habitude seuls de vieux savants arthritiques peuvent se targuer de posséder ? Par ailleurs, les puissances démoniaques infernales enfouies sont-elles condamnées à jouer avec nos failles psychologiques intimes ?
Enfin, je ne savais pas que le démon responsable de l’ambiance sonore des profondeurs indicibles était à ce point fan d’Hans Zimmer.
Et puis je crois qu’on a un peu fait le tour des capacités du found-footage.
Depuis 99, en fait.
Remarquez, il y a pire destin que celui du spectateur condamné à s’empiffrer sempiternellement les mêmes déconvenues devant un film d’horreur. Il y a celui de la créature assis sur une chaise devant poireauter 500 ans que 5 foufous daignent résoudre 3 énigmes de type mauvais Indiana Jones, pour deux secondes d’intervention expéditive.
Bref, un métrage presque totalement à côté de la plaque: dégout.