Klapisch kaput
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En bon quinquagénaire, Cédric Klapisch commence à savoir ce que "maturité" veut dire. Or ses films, avec une forme de sincérité qui n'est pas dépourvue d'élégance, accompagnent, depuis "Le Péril jeune" (1995) jusqu'à ce dernier opus, la courbe des âges par lesquels le réalisateur est lui-même passé. Ce dernier projet n'a rien de spécifiquement autobiographique, mais il reflète cette connaissance intime d'un âge et du regard qui est alors porté sur l'existence.
Comme un bon vin vieilli en cave, c'est donc, de fait, un cinéma de la maturité que Klapisch nous livre ici : les personnages ont mûri, ils atteignent - à l'image de Jean (Pio Marmaï), le frère aîné, et de Jérémie (François Civil), le benjamin - l'âge d'être eux-mêmes parents. Les problématiques auxquelles ils sont confrontés correspondent à cette étape de vie : le couple (établi, à former, en crise...), le lieu de vie, le retour aux sources ou l'exploitation des possibilités infinies offertes par le vaste monde, le vieillissement, voire la disparition des parents, le regard sur l'enfance et le dépassement des rancœurs, les dissensions ou, au contraire, la solidarité dans la fratrie...
La narration s'est allégée, fluidifiée, jouant volontiers de l'ellipse ou de l'allusion : un simple cadre de fenêtre signale le passage du temps, selon que, derrière lui, se trouve un enfant ou l'adulte qu'il est devenu ; en contre-champ, les saisons se succèdent en accéléré, sur un paysage de vignes. Le filmage lui-même, par moments, préfère suggérer plutôt que montrer : une simple main, reposant sur un lit et découpée par le surcadrage d'une porte d'hôpital, figure le père malade, vivant ses derniers moments ; main inerte, puis légèrement animée, et alors étreinte, baignée de pleurs...
Grâce à cette grande économie de moyens, qui ne contraint pas le spectateur et le renvoie, par sa discrétion, à ses propres expériences ou peurs, le cinéaste obtient un maximum d'effets, provoquant des émotions intenses, voire contrastées, par exemple lorsque, pour ne pas se faire lourd et avec, toujours, beaucoup de tact, il mêle de l'humour à l'évocation du deuil, et qu'alors le rire surprend les larmes...
Le casting est très juste, jouant finement des proximités comme des contrastes, et Ana Girardot est très convaincante en Juliette, cadette des deux frères et couvée, parfois un peu jalousement, par eux. Jean-Marc Roulot, authentiquement vigneron lorsqu'il n'est pas acteur, et que l'on a déjà vu dans "Tu seras mon fils" (2011), de Gilles Legrand, contribue à l'équilibre de l'ensemble et au climat authentique et simple de ce dernier Klapisch, qui a fui les grandes villes au profit des vallonnements amples et doux de la Bourgogne.
Un film aux arômes délicats, tantôt frais et pétillants, tantôt plus chargés, mais dont le goût subtil et profond s'inscrit durablement en nous.
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Créée
le 30 juin 2017
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