Quand j'étais petit, mes parents m'ont offert un cahier, ou plutôt ont fouillé dans les rebus des cahiers d'école de mes frères et m'ont donné un cahier 24x32 bleu Clairefontaine ou Oxford de 196 pages à grands carreaux avec un stylo quatre couleurs. Moi qui ne voulais pas apprendre à lire, faute de mieux je m'y étais mis comme un enfant qui dessine des bonhommes bâtons. Je dessinais des robots, des voitures, des vaisseaux, et leur inventais des histoires. Dans ma grande chambre, dans ma robe de chambre, je n'étais que le dernier de trois frères : Le premier était intelligent, travailleur, malin, drôle et je suppose qu'on pourrait dire séduisant, le second était artiste dans l'âme, généreux, compréhensif et doux, et moi, plus effacé, dès l'enfance j'avais l'impression d'être l'échantillon témoin d'une expérience sur la différence entre l'éducation et l'instruction.
Mais dans mon cahier un stylo à la main, il n'y avait plus d'autres que moi, plus le bruit de la télé, plus celui de la radio, des disques ou des copines de mes frères qui font des "bruits bizarres" avec mes frères (c'était tellement embarrassant même pour un petit enfant ignorant) . Là avec mes mots d'enfant je devenais le réalisateur d'un monde Ailleurs où s'opposait paradis glacé et enfer brulant toujours peuplé de mes créatures mécaniques sans pour autant rejeter les mers profondes, le ciel infini et présentant toujours la ligne d'horizon pour laquelle j'avais une vraie fascination dans mon enfance.
Quand j'étais petit, je jouais presque toujours seul dans le jardin familial, nous avions un grand portique balançoire auquel je faisais des tractions, je montais la barre, me tenait debout sur la barre transversale qui tenait les montants, et je regardais le plus loin possible en imaginant que si je pouvais atteindra la ligne d'horizon par delà les champs verdoyant et les près j'arriverais dans un monde nouveau. Je m'ennuyais beaucoup étant enfant mais la campagne où je vivais me semblait plus belle que tout ce que je pouvais voir.
Quand j'étais petit je m'imaginais que plus tard je deviendrais réalisateur comme "le mec dans la série Dawnson à la télé", ou alors je serai océanographe parce que j'aimais l'idée d'être sous l'eau et d'avoir comme travail de prendre des photos, même si on n'avait pas de caméra à la maison, mais c'est pas grave quand je serai grand j'en aurai une ! une belle caméra avec un bras qui bouge et un affichage en bleu et blanc comme celle de mon frangin qui est parti en voyage avec ses amis, ne me demandez pas pourquoi elle est comme ça.
Quand j'ai eu un intelliphone des années plus tard j'ai voulu l'utiliser sur tout mais je n'étais plus dans ma campagne pittoresque, j'avais rejoint la ville mais je m'imaginais un jour aller m'assoir dans la rue, scotcher mon smartphone sur un poteau et le laisser des heures durant capter les passages, probablement que la batterie n'aurait pas tenu, que le scotch n'aurait pas tenu, que l'on m'aurait volé mon intelliphone ou tout simplement que l'on m'aurait interdit de sortir de la maison.
Alors j'aurais pu poser le smartphone à la fenêtre de ma chambre, juste à filmer l'oranger qui pousse, il était beau cet arbre quand j'y pense. Je n'y ai pas pensé tant qu'il était à ma fenêtre mais j'y pense maintenant, probablement parce que ma fibre artistique ne s'éveillait qu'entre 23h00 et 05h00 et qu'à ces heures on ne voit plus l'arbre, d'ailleurs c'est cette contrainte qui m'empêchera pendant des années la pratique musicale faute de temps de pratique suffisant. Aujourd'hui, je ne vois plus qu'un mur de béton depuis ma fenêtre.
Alors il me restait à fixer le plafond en monochrome blanc, et le sol pour y filmer de la poussière. J'aime bien les poignées rotatives à l'ancienne sur les fenêtres, elles ont beaucoup de charme et me donnent envie de les entretenir malgré que celle à ma fenêtre soit abimée.
L'odeur de l'essence, pour moi c'est l'odeur des vacances car lorsque nous allions en vacance nous nous arrêtions toujours en premier à une station service pour faire le plein et plus tard une air d'autoroute, dommage cependant que le son de mes vacances soit davantage les seize heures de Laurent Voulzy et Alain Souchon en boucle, ce ne sont pas de mauvais artistes mais pas aussi longtemps.
J'aimais et j'aime toujours passer mes matinées dans le noir, un souvenir de mon enfance où l'ouverture des volets marquait le début des devoirs, aujourd'hui encore j'ai un peu de mal à les ouvrir le matin.
Les vacances pour moi c'était ça, l'arrière de la Laguna à entendre en boucle les mêmes musiques, et faire mes devoirs chez mes grands-parents à l'étage sur une table trop basse pourvu d'une nappe en dentelle assis sur une chaise trop haute pendant que le reste de la famille prenait du bon temps ensemble.