Deuxième court métrage de Tarkovski et connu sous différents titres (notamment Il n’y aura pas de départ aujourd’hui dans l’intégrale Potemkine), considéré pendant longtemps comme perdu avant qu’on l’exhume durant les années 90, ce film tranche assez radicalement avec les premiers pas des Tueurs. La durée, de 46 minutes, l’accès à l’extérieur, et les enjeux du récit permettent au réalisateur et son acolyte Alexandre Gordon une plus grande marge de manœuvre.


Le film est une commande de la télévision à l’occasion des commémorations de la victoire du 9 mai : elle permet un budget confortable et trois mois de tournage, mais enferme aussi le jeune réalisateur dans un cadre assez contraignant. Le récit relate la découverte de 30 tonnes d’obus allemand qui dormaient sous la terre depuis 15 ans, et qu’il va falloir déloger après avoir évacué la ville entière.


La veine est un peu néoréaliste, permettant quelques portraits de citoyens au service de la cause commune. On fume beaucoup, on s’entraide, et on travaille pour cette ville valorisée par un certain nombre de plans sur sa vie profuse : les enfants des parcs, les ménagères, et un montage alterné donnant à voir une opération chirurgicale, tout aussi vitale que celle des soldats dans la fosse.
Le récit ne fait pas montre d’une grande originalité, et restitue fidèlement l’opération victorieuse avant un retour à la normale salué par la joie de la collectivité. Mais Tarkovski sait aussi réinvestir ce qu’il a appris en termes de tension sur son premier court, Les Tueurs : dans une atmosphère qui rappelle Le Salaire de la Peur, sorti 6 ans plus tôt, l’attention portée aux explosifs, la délicatesse de manipulation qu’ils exigent permet de dynamiser efficacement les séquences.


Lorsqu’on sait la fascination du regard de Tarkovski pour la matière, on ne peut sourire devant son insistance dans les travaux d’excavation de ses soldats : la terre est de tous les plans, tout comme ce métal rouillé dont le contact avec le soleil, la pluie ou les oiseaux peut se révéler explosif.


Des visages, le travail, la patience : autant de cailloux semés dans un film qui reste pour le moment sous l’autorité d’un état qui ne favorise pas l’indépendance créatrice, mais qui est bien le dernier ; l’année suivante, le talent du cinéaste explosera littéralement avec Le Rouleau compresseur et le violon.

Sergent_Pepper
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le 11 avr. 2018

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