C’est dans un Paris de science-fiction que deux amis, Magali & Eric-John sillonnent les rues désertes de la capitale afin de réinventer le lien aux autres…
Le titre du film est un clin d’oeil à la phrase choc d’Emmanuel Macron, la veille de la mise en place du premier confinement. En effet, dans son allocution présidentielle du 16 mars 2020, le Président de la République avait eu des mots forts pour évoquer ce que nous étions tous en train de vivre : « Nous sommes en guerre ». Dès lors, notre monde et surtout, notre quotidien, ne serait plus comme avant.
Filmé entre mars et mai 2020, la France (et une grande partie du monde) était alors confrontée à quelque chose d’inédit, nous venions de basculer dans un autre monde. En effet, c’est la première fois que nous étions tous confinés pour faire front commun face à une pandémie mondiale, celle du Covid-19. Le confinement dans la France entière venait tout juste de démarrer (le 17 mars 2020) lorsque les deux amis décident de se retrouver à l’extérieur de chez eux pour filmer le monde qui les entoure et qui ne ressemble en rien à ce qu’ils connaissaient jusqu’à maintenant.
Tourner ce film était aussi une façon pour eux de contourner cette obligation de rester confiné chez eux. Munies de leurs autorisations de tournage, ils pouvaient ainsi aller et venir à leurs guises dans les rues de la capitale pour réaliser ce film et ainsi, maintenir un lien physique avec leurs amis. C’est ainsi que l’on suit Eric-John dans son périple à travers les rues de Paris, allant à la rencontre de ses amis (depuis la fenêtre de chez eux). Puis, au fil des rencontres, certains amis prennent des libertés en allant jusqu’à les rejoindre dans la rue.
En ayant pu filmer la capitale pendant ces 3 mois de confinement, Magali Roucaut & Eric-John Bretmel nous offrent l’occasion de redécouvrir Paris comme rarement nous l’avions vu et viennent nous rappeler des souvenirs de cette triste et cocasse époque. Pêle-mêle, on se retrouve dans le quartier de St Lazare, à Bastille, aux abords de la BNF où sur la place de la Madeleine. On redécouvre à quel point cette ville (comme tant d’autres) était devenue une ville fantôme, comme une ville morte.
Pas un chat à l’horizon, les rues désertes, les transports arrêtés, les parisiens ayant l’obligation de rester cloîtrés chez eux. Il n’y a plus un bruit, ce calme ambiant nous permet d’ailleurs d’entendre (chose rare dans une métropole) les oiseaux ou à la nuit tombée, des chouettes. Au détour d’une rue, on a la surprise de se retrouver plongé en plein dans les années 40, avec les décors abandonnés du film Adieu Monsieur Haffmann (2022) dont le tournage avait dû être arrêté précipitamment à cause du confinement.
Ce bond dans le temps vient nous remémorer aussi quelques souvenirs inénarrables, comme cette fichue attestation qu’il fallait consciencieusement remplir lorsque l’on devait quitter notre domicile, lorsque les gens se retrouvaient sur leur balcon avec la musique à fond pour danser ou chanter, le rdv hebdomadaire à 20h à sa fenêtre pour applaudir le personnel médical ou encore ces impressionnantes files d’attente à l’extérieur des commerces où les clients patientaient les uns derrière les autres à 1m de distance.
« Quand on sort avec nos attestations, ça me rappelle 1944. »
Le film est aussi l’occasion de mettre en lumière un personnage à part entière, en la personne d’Eric-John, un hypocondriaque (ça tombe mal en pleine période de Covid-19) et accessoirement grand amateur de chaises (il les dessine et photographie toutes celles qui lui tombent sous la main). Le film lève aussi le voile sur son intimité, sa solitude, son hypocondrie et ses angoisses qui surgissent au détour de plusieurs conversations téléphoniques avec son père (et son histoire personnelle et familiale, en lien avec la Shoah).
Ceci n'est pas une guerre (2025) nous offre un regard très personnel et cocasse sur cette période très anxiogène. Comme une sorte de road-trip introspectif, fait de rencontres impromptues. Dans le même registre et sortie au début de l’année, je recommande aussi de voir La Cour (2025) d'Antarès Bassis, qui se complète parfaitement.
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