A-t-on entendu conte de fée plus aberrant que celui de Cendrillon ? Vous vous voyez vraiment, au vingt et unième siècle, raconter à votre progéniture la fabuleuse histoire d'une souillon qui échappera à sa triste condition grâce à un mariage douteux basé sur une illusion ? A moins, bien entendu, que vous ayez comme ambition de faire de votre chère petite tête blonde la digne héritière de Kim Kardashian, auquel cas je m'incline.
Dans de telles conditions, pas étonnant que l'adaptation du conte de Perrault par les studios Disney sente le court-métrage rallongé, l'équipe devant étirer jusqu'à l'absurde une intrigue rachitique à grands coups d'intermèdes musicaux et de rongeurs hystériques, perdant ainsi un bon quart d'heure pour présenter des enjeux qui se résumeront à designer une robe correcte pour notre tendre héroïne.
Ajoutez à ce tableau peu motivant un manichéisme d'un autre âge (la pauvrette a bien évidemment toutes les vertus pendant que les méchantes sont forcément laides et sournoises), un deus ex machina de folie (c'est quand même bien pratique d'avoir une fée comme marraine) et des aberrations scénaristiques assez fabuleuses.
Oui mais voilà, "Cendrillon" a été conçu à la fin des années 40, période magique où le studio aux grandes oreilles en avait sous le capot, nous offrant un véritable enchantement visuel, une merveille d'animation comme on en voit plus depuis à l'aise quarante ans. Finalement, "Cendrillon" c'est un peu le verre en trop qui nous voile le regard, qui transforme sous nos yeux ébahis un être peu gracieux en créature de rêve, juste avant que la gueule de bois nous rende la vue.