Dans la mythologie grecque, les centaures sont connus pour avoir défié les dieux ; Chiron le plus célèbres de ces hommes-chevaux, poussant même l’audace jusqu’à enlever la femme d’Héraclès. Ce qu’il paya de sa vie.
Le personnage principal du film connait en quelque sorte le même destin. Ancien projectionniste du village, employé à présent comme ouvrier sur le chantier d’une maison, il partage sa vie avec Maripa sa femme, qui est sourde et muette et leur petit garçon, Nuberdi. Quinquagénaire à la barbichette seyante, il n’a rien de la créature mythologique mais son amour irraisonné des chevaux a contribué à sa réputation et à son surnom : Centaur.
Car Centaur est un Kirghize à l’ancienne. Comme ses ancêtres qui tenaient les chevaux pour leurs égaux et non comme des bêtes de somme, il n’aime rien tant que galoper librement. Au sens propre lorsqu’il en vient à voler le pur-sang de son très riche cousin. Juste pour quelques heures, histoire de s’offrir une cavalcade nocturne dans la steppe (voir affiche). Au sens figuré, lorsqu’il néglige son foyer pour aller courir le guilledou auprès de Sharapat, une vendeuse de maksim (une boisson traditionnelle) qui en ferait bien son nouveau mari. Mais à courir plusieurs montures à la fois, notre cavalier cavaleur se retrouve bientôt compromis. D’autant qu’un rival jaloux n’entend pas se faire doubler et que la propre femme de Centaur compte bien lui faire comprendre qu’elle n’est pas la dernière des cruches.
Ainsi Centaur, par la déchéance qui est la sienne, semble faire les mauvais choix : il risque de perdre son travail, son foyer et un bannissement du village. Et pourtant, il incarne dans cette histoire une sorte de héros des temps anciens, bravant morale et interdits. Interdits capitalistes (la propriété des chevaux) et morale religieuse (les Islamistes veulent à tout prix le convertir). La scène où il se fait la malle au bout de 20 secondes de prière pour aller retrouver ses vieilles bobines de cinéma est réjouissante. Mais à l’image de ce projecteur remisé ou de ce cheval sauvage entravé et mis au sol par un groupe d’hommes, Centaur le libertaire indomptable finira dans la poussière.
Aktan Arym Kubat, le réalisateur (et acteur), signe là un très joli film sur la puissance de la liberté inconditionnelle.
A découvrir.
Personnages/interprétation : 8/10
Histoire/scénario : 7/10
Réalisation/photo/musique : 8/10
8/10 ++