En adaptant "La Femme et le Pantin" de Pierre Louÿs, Buñuel poursuit son étude de la bourgeoisie contemporaine dans sa forme la plus patriarcale, et donc de l'amour dans sa déclinaison la plus possessive. Mais pour faire exister cette Conchita qui ne cesse de souffler le chaud et le froid, Buñuel a l'intuition assez géniale de faire jouer ces deux attitudes opposées d'un même personnage à deux actrices différentes ! Au delà cependant cette pure idée de cinéma, lumineuse, le film reste d'une simplicité assez évidente, qui, si elle l'empêche de tomber dans la thèse démonstrative, lui confère sans doute une légère artificialité qui en gênera plus d'un...
Avec le recul, "Cet Obscur Objet du Désir" restera donc probablement comme une parabole plutôt conceptuelle sur le désir et sur la violence que la société fait à la Femme. Pourtant, nous préférerons nous souvenir avec délice de cette alternance de plans désarmants d'humour noir et d'autres, littéralement surréalistes, qui composent l'ultime œuvre d'art mystérieuse (voire la pirouette finale) de l'un des plus grands artistes du cinéma moderne.
Nous regretterons toujours la malice et l'intelligence de Luis Buñuel, tant ce sont deux qualités rares dans le cinéma actuel.
[Critique écrite en 1995]