Plus mauvais encore que son récent Chien (2016), Cette Musique ne joue pour personne, nouvelle fantaisie prétendument auteuriste de Samuel Benchetrit, a l’indécence de représenter petites frappes et prolétaires comme des brutes épaisses dont la sensibilité se révèle au contact de l’art – poésie, musique etc. La façon qu’il a de regarder ses personnages grogner, se tabasser, jouer une folie qui ne paraît guère spontanée mais au contraire calculée, fruit d’un long travail d’acteurs professionnels, écœure et échoue à dire quelque vérité générale sur l’humain par le prisme du faux. Lorsque Bruno Dumont se propose de réaliser une farce politique et sociale, comme il le fait dans Ma Loute (2016) par exemple, il adopte la fiction en point de départ pittoresque à partir duquel explorer une vérité située au plus profond de l’homme, les comédiens professionnels animant un microcosme mortifère, englué dans une somme de stéréotypes et de formules, que brisent l’irruption de Billie et sa romance avec un acteur amateur cette fois, Brandon Lavieville.
Dumont croit au choc des mondes par l’implosion d’un individu ; Benchetrit se délecte de la bizarrerie forcée de ses marginaux et se saisit d’eux comme d’un vivier burlesque propice à la naissance de situations insolites, répétitives et gratuites, sans incidences les unes sur les autres. Ce qu’il fait relève du caprice et n’est motivé par aucune ambition, ni esthétique ni philosophique : la cruauté stérile de certaines scènes, qui n’ont pour fonction que de choquer le bourgeois, n’a d’égale que l’approche mielleuse de l’art réduit à l’état de passe-temps rigolo. Il est plutôt surprenant qu’un réalisateur se montre à ce point incapable de parler de sensibilité artistique et de transport devant une œuvre, sinon en les atrophiant de la sorte. Un film à fuir.