"Ceux qui m'aiment prendront le train" est un film sur lequel plane l'ombre de la mort, mais il est pourtant tellement vivant:
les principaux personnages, sous le choc de la perte de leur ami ou parent, sont pris par des rebondissements émotionnels chaotiques. Ils s'étreignent, s'embrassent, se repoussent, pleurent, rient, crient; ils sont dans un moment âpre de leurs vies mais ils sont plein de vie; et il est fascinant de les regarder se mouvoir.
Cette fascination passe par la caméra qui est elle aussi vivante:
elle bouge au rythme de la foule dans la gare, au rythme du train, au rythme du tourbillon émotionnel dans lequel sont pris les protagonistes de la première à la dernière seconde du film.
Regarder ce long-métrage, c'est une expérience comparable à celle de lire la magnifique "Prose du Transsibérien" de Blaise Cendrars, où l'écriture insuffle au lecteur un rythme qui lui fait ressentir le mouvement ou l'arrêt d'un train.
Ainsi, dans "Ceux qui m'aiment prendront le train", le spectateur peut avoir la sensation de se trouver au milieu de ces voyageurs dans les wagons, au cimetière, ou dans la propriété.
Mais ce long-métrage, il convient aussi de l'écouter attentivement; car les dialogues sont d'une immense richesse émotionnelle. Entre le désespoir, le tragique, l'amertume, et le rire au coin des séquences, il y a quelque-chose dans l'écriture qui peut rappeler certaines grandes pièces chorales d'Anton Tchekov comme "La Mouette" ou "La Cerisaie".
Mais si cette qualité textuelle nous parvient, c'est aussi parce que tous les comédiens sont formidables et dirigés admirablement par Patrice Chéreau.
Ce dernier signe une peinture belle et profonde de l'humanité écorchée.