Le même film tourné à Glasgow et c'était la dépression assurée. Aznavour avait raison sur le lien entre misère et soleil... parce qu'ici, le petit Chala, gamin débrouillard plombé par une mère en grande difficulté, semble osciller entre gravité et insouciance au rythme de ses sorties sur les toits de son immeuble et de son enfermement dans les institutions un peu rigides de son pays. L'occasion d'une réflexion sur ces institutions, justement, toutes pétries de principes censés protéger les citoyens d'eux-mêmes. C'est pareil à la Havane que dans le reste du monde. Le beau personnage de l'institutrice, maternel à souhait et à bonne distance des dogmes officiels, incarne les cas de conscience incontournables dans n'importe quel système établi. Que faire quand les élans du cœur contreviennent à la règle ? En fin de carrière, mais pas moins exposée au flicage de sa hiérarchie pour autant, la maîtresse a tendance à y voir nettement plus clair que ses collègues plus jeunes, qui ont tout à gagner humainement et à perdre professionnellement à suivre son exemple. Autant dire que ce film tombe à point dans le débat qui agite nos institutions actuellement... qu'est-ce qu'un bon enseignant ? Un exécutant qui applique servilement des règlements trop généraux pour se soucier des cas particuliers ? Un rouage dans un système soumis aux politiques, destiné à fabriquer en série des citoyens fonctionnels ? Notre Sénat s'est prononcé la semaine dernière, nos députés vont le faire dans les semaines qui viennent... on pourrait peut-être organiser une petite projection à l'Assemblée ? Mais bon, le film est clair sur une chose : chacun fait selon sa conscience, et avec les conséquences que cela implique. Chala, le petit écolier en passe de devenir un homme bien trop précocement, apprend justement à faire ses premiers choix d'adulte, sous l'aile protectrice d'une maîtresse au cœur fragile. La position du réalisateur est aussi claire que celle d'un Ken Loach cubain, mais son regard est suffisamment empathique pour que personne ne sorte blessé de son observation méticuleuse. Un tour de force dans les débats passionnés qui agitent nos sociétés.