Vraiment bien aimé ce film étrange, lunaire et sombre, qui nous propose une version épurée et très "art moderne" d'une certaine apocalypse. Je ne connaissais rien de l'auteur Roy Andersson. Ce film est une série de vignettes relatant des situations plus ou moins liées entres elles, et mettant en scène des personnages gris dans un univers urbain à la Brazil. Pas d'intrigue vraiment, hormis l'attente désespérée d'une fin du monde annoncée et les derniers moments d'une humanité qui semble payer le prix de son manque de chaleur et de son manque de poésie. D’ailleurs c'est bien simple, dans le monde en ruine de Andersson, le poète est relégué dans un hôpital psychiatrique où il pleure littéralement toutes les larmes de son corps. Ambiance...
L'une des premières scènes nous montre un magicien qui fait le tour classique du spectateur coupé en deux. Hélas, il manque bien de faire exactement cela et envoie son volontaire à l'hôpital. C'est le message qui m' a le plus frappé dans ce film: la magie a quitté le monde.
Plus de magie entre les hommes et les femmes, regardez ces couples qui s'ennuient , ce sexe laborieux, ces hommes qui négligent leur femmes pour s'affadir dans le travail (et pour rien, on les vire comme des malpropres...). Plus de magie dans la ville : regardez cet embouteillage incroyable qui n'avance plus depuis des jours, où les hommes et les femmes sont tous en route vers un quelque part unique, tel un immense troupeau. Plus de rêves non plus, les rues sont pleines d'une foule triste qui avance le dos courbé, presque à genoux, s'auto-flagellant comme des esclaves égyptiens masochistes.
Andersson ne rigole pas avec son sujet et il introduit une certaine horreur dans son sujet: quand on tabasse un homme dans la rue, quand une société de bureaucrates, de militaires et de religieux organise dans sa panique le sacrifice de sa jeunesse, littéralement poussée du haut d'une falaise par ses parents. Image simple, limpide, trop limpide sans doute, mais d'une puissance étonnante. Le monde s'enfouit dans la bêtise nous dit Andersson, qui nous montre des gens essayant désespérément d'emporter avec eux tous leurs biens matériels vers le guichet du paradis, l'un de plus beaux tableaux du film... Quant aux religions, mercantile activité, elles en prennent pour leur grade, les crucifix inutiles venant s'empiler sur les décharges publiques. Et je ne vous parle pas de l’extraordinaire dernier tableau.
J'aurais, c'est sûr, envie de faire la liste de toutes les tableaux de ce film étonnant mais je crois qu'il vaut mieux vous conseiller de le regarder. Bon, ceci dit, le film est lent, gris et il vaut mieux ne pas avoir sommeil avant de s'y lancer. On pourra lui reprocher d'être un peu trop direct, demanquer de subtilité. Mais sa poésie, son message sombre et sa beauté formelle vous tiendront sous le charme. Il me rappelle un peu, dans le même genre, le superbe "Les neuf vies de Tomas Katz" de l'anglais Ben Hopkins. Recommandé , guys and guyzettes!!