19 avril 2257.
Mon module s’est crashé sur la planète du Nouveau Monde. Pas de chance, me voilà la seule survivante. Déjà que papi, mamie qui ont embarqué il y a 65 ans, papa et maman sont morts, ça fait beaucoup, mais que veux-tu cher journal, l’aventure est à portée de main et je vais pouvoir découvrir ce qu’est la pluie, les forêts de sapin et manger des trucs qui ne sortent pas d’un laboratoire.
Le premier contact avec les autochtones est, il faut bien le reconnaitre, un peu compliqué. Ils ont tous l’air très chauds parce qu’il n’y a plus aucune femme chez eux, alors avec mon joli minois, ça suscite forcément des convoitises. Curiosité locale notable : on entend ce qu’ils pensent, et y’a une sorte de halo violet autour de leur tête pour bien montrer ce qu’ils imaginent. Ça peut être gênant par moments, et le benêt qui veut m’aider n’arrête pas de répéter son prénom pour cacher tout ce qui l’agite, et il y a de quoi, vu que je suis la première femme qu’il voit de sa vie.
20 avril 2257.
Gros bordel dans cette colonie, en tout cas. On est un peu dans un western, avec un sheriff en fourrure orange qui fait répéter des mantras à des rednecks bas du front, un truc avec un cercle que j’ai pas compris. Les spackles, des créatures indigènes, ont tué toutes les femmes il y a quelques années, et j’ai dû remettre le benêt à sa place parce qu’il les appelait des aliens, alors qu’en fait, c’est les humains les aliens, il est un peu con, mais je suis pas peu fière de lui faire des leçons de tolérance, en tant que femme dotée d’une sensibilité et d’un bon sens qui font défaut à ce régime phallocrate.
Il y aussi un pasteur, qui n’a pas l’air très épanoui, et qui passe son temps à penser des mots très forts, « Jugement », « Martyre » avec des flammes rouges qui font sans doute référence à l’enfer. À éviter.
Comme je suis intelligente, je me suis cachée sous un parquet et j’ai entendu des choses. Finalement, l’hospitalité de cette bourgade laisse à désirer, et je ne comprends rien à ce qui se passe. Ils passent leur temps à faire des mystères et à rien révéler, toute en laissant comprendre qu’ils cachent des choses. Parce qu’en plus, Fourrure orange est hyper fort pour bloquer son bruit, alors imagine les mystères. Benêt va m’accompagner. Heureusement qu’il a un chien mignon, parce qu’entre sa découverte de l’érection et ses rêves de maman qui lui sèche les cheveux se loge une vaste lande d’ignorance elle aussi un brin chiante. Même sa famille sait des trucs qu’elle lui dit pas, allez comprendre, et il a fallu qu’il soit mon guide dans cette quête d’un ranch qui va nous mener à une base qui va nous mener à une vaisseau qui va nous mener à une antenne qui va nous mener à une prise. On n’est pas au bout de nos aventures.
21 avril 2257.
C’est quand même bizarre, cette planète. D’un côté, on entend tout ce que les gens pensent et c’est hyper relou, et de l’autre, dès qu’il s’agit d’expliquer la situation, personne ne moufte. La maire de la ville d’à côté, qui est une femme noire et m’inspire bien plus confiance, nous a accueilli sans nous expliquer pourquoi tous les gens du bled de benêt devaient normalement être pendus. C’est plus fun, apparemment, mais après Fourrure a débarqué, et on a dû reprendre la route. J’ai encore pu faire des leçons de tolérance a Benêt, en lui demandant de pas tuer un Spackle avec un bras coupé, même s’il avait une sale gueule, et que je me suis pas moquée quand il m’a dit qu’il savait pas lire. Et puis je peux aussi me la péter avec mon briquet magique, même si j’ai pas tout compris de ce à quoi ça sert, c’est toujours ça de pris en termes d’effets pyrotechniques.
22 avril 2257.
On a enfin compris ce qui s’était passé quand je lui ai lu le journal de sa mère que son père lui a donné avant de partir, au cas où son fils voudrait au bout de genre 20 ans comprendre un truc. Sale histoire, qui montre que les illusions du Nouveau Monde font surtout ressurgir la barbarie fanatique chez les mâles. Je crois que j’arrive à point nommé pour prouver que les femmes ont une âme, en tout cas, et je vais pas être ce genre de midinette à faire de la salade de museau avec Benêt à la première occasion. Je préfère son chien, il est mignon, il nous suit partout, pour sûr qu’on serait hyper triste s’il venait à mourir tué par un méchant, et qu’il hanterait sacrément le bruit de Benêt. Mais ne parlons pas de malheur.
24 avril 2257.
Oh là là, que d’aventures. Benêt a fait des progrès, et il a escaladé hyper haut pour brancher une prise, tandis que le pasteur m’a demandé de le faire brûler, c’était un peu confus mais en tout cas, il nous ennuiera plus avec ses flammes rouges. Ensuite, on a profité des projections mentales pour faire un clip des Spices Girls qui ont kické Fourrure dans les abysses, je crois que la parité est sur les bons rails. Tout est bien qui finit bien, mon vaisseau est là et on va donc pouvoir organiser la deuxième vague de la colonie, qui pourra sûrement donner lieu à de nouvelles aventures. Mais j’espère que ce sera sans moi, parce que j’ai beau retourner le problème dans tous les sens, ce monde est hyper chiant et prévisible. Et sans le chien, c’est plus pareil.
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