Poil à la glotte
Je ne connaissais pas l'artiste, ça donne envie de parcourir son œuvre.L'intrigue est assez molle ; malgré le contexte, on ressent assez peu les conflits. De plus, les scènes sont parfois trop...
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le 1 déc. 2022
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Le biopic en animation est un exercice périlleux dont très peu d’œuvres ont réussi à me marquer. Le fait est qu'il y a un blocage en Europe (et en France particulièrement) lorsqu'il s'agit de représenter le réel dans une forme adapté à l'imaginaire et/ou à un jeune publique. Soit on reste trop cantonné dans le réalisme et l'animation devient gadget, ou l'animation prend le pas sur le fait réel et on n'est pas marqué par le réel de l'histoire. La chose devient d'autant plus vrai sur les œuvres traitant de la seconde guerre mondiale qui, pour beaucoup, tombent dans l’écueil de vouloir excuser une mise en scène plate au possible à travers du dessin animé. Cependant tous ne tombent pas dans ce cliché, et Charlotte, le nouveau film de Tahir Rana et Eric Warin, en compétition à l'édition 2022 du festival d'Annecy, compte bien être une exception, et quel magnifique exception qu'est ce film !
Le film raconte l'histoire et tout l'art d'une artiste allemande juive qui se revendiquait d'une forme d'expressionnisme où les formes ne sont pas certaines, où l'on devine des formes et des contours, et où l'expression des sentiments est le centre de l’œuvre. Du coup il n'est pas étonnant que l'animation épouse le style de peinture qu'avait son sujet, et cherche continuellement dans ses graphismes, mais aussi dans sa mise en scène, à se rapprocher du style et des thématiques de Charlotte Salomon. Le défis est rude, et on sent que des compromis on dû être fait pour créer un consistance graphique que le style expressionniste n'a pas par nature. Contrairement à des œuvres qui vont recopier le style au trait près sans trop adapter le sujet au style de peinture utilisé, donnant un aspect très fidèle mais ayant tendance à avoir l'aspect d'un filtre instagram, Charlotte prend le parti prix de retranscrire le style de Charlotte Salomon à travers une adaptation au procédé d'animation. Cela perd évidemment en détail, par rapport au style même de l'artiste, mais tout est contre-balancé dans une volonté d'apporté son propre style qui va pouvoir combler ce que le style originel n'avait pas. L'animation étant un art du mouvement, il fallait des contours qui puissent supporter ce dynamisme, et le film opte pour des contours gros, quasi fait à la main sur tablette, qui donne une délicatesse et une finesse à chaque mouvement qui est remarquable. Même du côté de la mise en scène, le film va mettre son héroïne dans des situations où le monde et l'atmosphère va retranscrire son ressenti. Si le film retranscrit des moments qui se sont réellement produits dans la vie de Charlotte Salomon, il ne se limite pas à une exposition bête et méchante, mais va pour donner de l'âme et une véritable expérience sensoriel et esthétique, dans une volonté exprimer par l'image des moments de vie. On aura par exemple une scène de peine affective couplé avec une scène d'attaque SS dans un bar symbolisant la haine et l'amertume qui envahis le cœur de Charlotte, une scène de dilemme dans une cuisine en plan quasi fixé où on voit Charlotte faire de nombreux allé retour avec des jeux de lumière et d'obscurité qui oppresse le personnage... ça regorge d'idées purement fantastiques. Les scènes les plus belles selon moi sont celle d'amour et d'intimité avec Charlotte où l'on sait retranscrire la sensualité de ce genre de moments, sans trop idéaliser et fétichiser, mais en montrant toute l'affection et le plaisir que les personnages ont pu vivre dans ces moments là. L'idée est de dépeindre une personne dans sa volonté de vivre, de rayonner de son attention envers les gens, plus que de se focaliser un portrait trop scolaire que ferrait certains films qui se saborderait plus qu'autre chose. Il n'est alors pas grave de voir des scènes où l'on interprète des moments important de la vie de Charlotte Salomon (on y reviendra plus tard) car on a tout de suite compris qu'on ne pourra pas reproduire fidèlement la réalité, et que cette réalité n'apporterait rien de bon si ce n'est pas sans détourner le spectateur de l'essentiel: Comprendre Charlotte. Le tout est rendu admirablement bien avec des musiques et une bande son absolument magnifique qui sait encrer le film dans les années 40 du début de la seconde guerre mondiale, tout en apportant une poésie et une légèreté poignante sans en faire de trop. Il y a bien le début qui peine à prendre ses marques et qui aligne les scènes peu glorifiantes où l'on sent que le film peine à se poser et à trouver une harmonie visuelle, et quelques scènes qui se permet de trop grandes libertés où les règles de bienséances visuelles ne sont pas toujours respectés (je pense surtout à une scène de discussion où le champ contre-champ est très limite), mais dès que l'on se donne à corps perdu dans l’œuvre, le film te le rend de la plus belle des façons. Le tout est sublimé par un casting 5 étoiles avec une Marion Cotillard exceptionnel, un Romain Duris à fond, et un Guillaume Lebon à son meilleur. Avec une tel réalisation, on est amené à adopter une manière de structurer son récit de tel manière de laisser sa part belle à la réalisation, et heureusement l'écriture est à l'image des graphismes: Simple et épuré.
Le récit se veut organique et très libre dans sa manière de suivre son personnage. Si le récit choisit de se dérouler de manière plus ou moins chronologique, il ne dépend pas tant de lui pour déployer son dispositif. Le film veut questionner la naissance et le rapport qu'entretient le spectateur à l'icône. Si Charlotte Salomon peut-être traité d'icône féministe, de figure importante de l'expressionnisme, et de symbole contre le racisme, le film va traiter la chose de manière élégante et naturel en racontant qui est la personne derrière le mythe. L'idée n'est même pas tant de portraiturer l'artiste façon fiche Wikipédia, mais de faire vivre son histoire, sa joie de vivre malgré l'adversité, et nous donner envi de faire nous même des recherches sur l'artiste. Si le film s'appelle sobrement Charlotte, c'est parce qu'on parle d'un personnage à l'image de Charlotte Salomon dont sa vie pourra retracer les différents événements exprimé à travers ses peintures, et qui pourra mettre en scène l'âme de l'artiste plus que la biographie. Là où on s'attendrait à être sur un film se voulant proche des faits et de l'histoire, qu'elle soit historique ou personnel, on est très vite désarmé lorsque l'on se surprend à être émerveillé par une plongé dans un lac en temps d'orage ou de suivre une artiste majoritairement dans des discussions de la vie de tous les jours, plutôt que des scènes historiques et biographiques qui auraient sonné impersonnels et trop dialectique. On est emporté dans un véritable voyage lyrique où l'on aime se perdre entre les tableaux et les instants d'humanités malgré la guerre qui survole son héroïne. Cependant le film peine sur son début à assumer ce côté sensoriel et abstrait, et va par moment rattacher l'action dans une forme de réel, parfois au chausse-pied. C'est pourquoi on va avoir une forme de chapitrage par rapport aux différents lieux visités et aux dates importantes de la vie de Charlotte, mais aussi une série de saut dans le temps, dans une volonté de regrouper cout que cout les morceaux selon la vie de Charlotte Salomon. Cependant le récit étant très éclaté car étant surtout basé sur le ressenti et sur les œuvres importante de son autrice, le film va accumuler les sauts dans le temps dans ses 10 premières minutes, si bien que cela hachure à un point où on en peut presque plus. A première vu, on pourrait penser que c'est pour nous faire lâché prise, nous mettre en pleine disposition pour suivre le personnage, sans qu'on se sente obligé de le rattacher à l'Histoire de la guerre, et dit comme ça, cela peut marcher. Le soucis est qu'en utilisant le saut dans le temps, on rappelle au spectateur où et quand se situe l'action avec ces différents panneaux, là où on serait tenté de nous laisser vagabonder avec Charlotte. On s'efforce à rattacher le récit à des encrages réelles alors que, lorsque le film se calme et n'utilise plus de carton (parfois pour indiquer un saut dans le temps de quelques jours), le film se dévore avec passion et fascination. Vu que le film se base sur le roman illustré de Charlotte Salomon et qu'il ne veut pas s'identifier comme un film documentaire, le film va s'autoriser des moments de pure mise en scène où l'on va adapter les faits afin de ressentir l'action. Si la scène dans l'opéra pourrait être plus réussite dans sa mise en scène et moins maladroit façon dessin animé mono-expressif, toutes les scènes sont belles et très bien mis en scène au service de l'émotion et du ressenti vis-à-vis de ce que vis le personnage. Cependant, dans une volonté de casser cet atmosphère quasi fantasmagorique ambiant dans son dernier acte, le film va mettre en scène sa fin de tel sorte à ce que la réalité dépasse la fiction, et sans doute que l'on pouvait faire mieux, même si cela relève du micro détail.
Le film adapte donc la vie de Charlotte Salomon, qu'elle a retranscrit dans ce que beaucoup apparente au premier livre illustré de l'histoire, de sa naissance jusqu'à un peu après son mariage. Certains éléments comme sa mort et sa déportation alors qu'elle était enceinte ne sont pas illustré dans le livre, et ce sont donc au film de mettre en image ce réel absent du livre illustré. Je ne critique pas tant la rupture de ton qui est bienvenue, mais plutôt sa mise en scène qui, dans des détails, peuvent altérer une bonne idée de cinéma. Finir sur un plan fixe et suggérer la mort et l'enlèvement de Charlotte par les SS est très bien faite car elle reste pudique dans son traitement du drame, et arrive comme un choc, à la manière des SS arrivant dans le jardin. Il y a cette idée de laisser Charlotte aller malgré elle vers sa mort, et la caméra la laisse aller vers le hors champ afin de ne pas montrer une violence qui n'a pas à être montrer, à la manière que la caméra reste focalisé sur Charlotte lorsque celle-ci a tué son grand père. Cependant, dans cette façon de laisser la caméra presque en plan fixe, il y a presque comme une forme de condamnation et d'abandon du personnage de Charlotte que je trouve trop brutale par rapport à la poésie et l'amour qu'avait le film envers son personnage principale. Là où on aurait pu avoir un mouvement bref pour accompagner Charlotte, comme pour la retenir avant de détourner le regard et respecter la fin de Charlotte, la caméra semble comme vouloir ignorer son personnage principale qui va pour se faire emmener. On a ce traitement quasi chirurgicale et froid qui fait de l'ombre au tableau et qui, en plus de l'amertume dégagé parla mort de Charlotte, laisse un goût âpre et dur qui tranche de trop, et apporte des sous-texte que l'on aurait pu éviter. Cela relève du détail mais qui, sur un film aussi abouti et intéressant, fait tâche, surtout sur une scène aussi forte
Au final une fresque magnifique sur le bonheur et la naissance d'une icône méconnu de la scène artistique et sociale de la seconde guerre mondiale, à la sensibilité incontestable et à l'élégance des films d'animations amené à marquer l'histoire du cinéma français. Charlotte est un bonbon que l'on savoure sans déplaisir malgré un début en dent de scie et une volonté un peu vaine de rattacher au réelle des choses que l'on aimerait préserver de la cruauté de la vie. Une leçon riche en enseignement.
15,75/20
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le 11 nov. 2022
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