Portrait de la jeune fille crépusculaire

Ce biopic relate la vie de l’artiste peintre Charlotte Salomon. Bien que n’étant pas le premier film portant sur sa vie et son œuvre, ce long métrage d’Éric Warin et Tahir Rana propose pour la première fois de vêtir la forme d’un film d’animation – choix tout à fait cohérent, qui a su prouver son efficacité par le passé, quand il s’agit de retranscrire de manière plus expressives et créatives des créations picturales à l’écran.

La brillante, mais néanmoins trop peu connue, artiste juive va connaître très jeune l’oppression et la persécution durant les heures les plus sombres de la montée du nazisme en Allemagne. Réfugiée à Nice dans le sud de la France, elle y produit son œuvre, unique, picturale et poétique, mais aussi titanesque puisque constituée de plus d’un millier de gouaches et aquarelles. Cette production hors norme retrace sa vie et celle de sa famille, cherchant sur sa palette une lueur d’espoir dans un monde aussi noir que de l’encre. Côté visuel, le film est globalement très plaisant à regarder : des décors magnifiques, une lumière irréprochables et une colorimétrie parfaitement maitrisée. Force est de constater que l’animation est très propre. Peut-être même trop propre

Dans un récit basé sur les émotions des personnages, dont rend compte l’œuvre au cœur du sujet, il est ironique de constater qu’ils sont animés de manière rigide, incapable de délivrer les expressions intenses attendues. Certes, on voit la joie, la colère et tristesse mais dans une œuvre aussi focalisés sur l’expression de l’émotion, il était impératif de peindre le désespoir, la fureur et la béatitude. Tout est malheureusement trop statique, limitant l’impact que l’on devrait ressentir devants les scènes les plus poignantes de ces tableaux de tranches de vie. L’animation aurait dû être davantage travaillé, il lui fallut s’inspirer davantage des gouaches aux émotions brutes et profondes de Charlotte Salomon.

Bien évidemment, on n’attendait pas de ce film un niveau d’aboutissement aussi élevé que Loving Van Gogh, mais il s’avère plus proche de la platitude que de l’expressionnisme. C’est le cœur serré qu’il faut admettre qu’on aurait pu passer d’une jolie esquisse à un chef-d’œuvre légitime. La fin en est un excellent exemple, orchestrée avec maestria, aussi boulversante et inopinée qu’une vie soudainement arrachée.

Malgré tout, Charlotte reste un film puissant, porteur d’un message optimiste et ensoleillé. Un message essentiel à entendre, celui de ne jamais céder aux ténèbres, de toujours garder de vue cette lumière qui nous guide. Malgré les obstacles que la vie nous envoie, il est de notre devoir de continuer jusqu’au bout et de ne jamais baisser les bras. « N’attends pas que la vie t’aime, apprends à aimer la vie » pour citer une des répliques les plus marquantes d’un film qui vous remue malgré ses faiblesses.