La famille Pemberton demeure dans une vaste maison à la campagne loin de New York et possède un terrain que l’association propriétaire du golf du coin voudrait acquérir pour étendre son parcours. Pour cela, l’association a mandé un cabinet d’avocats ayant pignon sur rue à New York, car il faut recueillir l’accord et donc les signatures de tous les membres de la famille.


Le représentant du cabinet d’avocats s’est cassé les dents sur cette affaire, au point de piquer une crise de nerfs (voilà le genre de détail qui passait sans doute à l’époque mais plus maintenant). Jack Haley (Henry MacMorrow) est désigné par son patron pour prendre la relève. Il prend donc le train avec une pochette contenant le document à faire signer. Un peu naïf, Jack s’imagine qu’il suffit d’aller trouver les Pemberton pour leur faire valoir qu’ils font une affaire au vu du prix qui leur est proposé. Bien évidemment, il n’est pas au bout de sa peine et il ira de surprise en surprise.


Ce film de 1937 est signé Otto Preminger, le futur réalisateur de Laura (1944), Rivière sans retour (1954) et Autopsie d’un meurtre (1959) parmi ses meilleures réussites. Il s’agit d’une de ses premières réalisations, sa seconde aux États-Unis et sa troisième au total, sachant qu’il a commencé sa carrière en Autriche, pays dont il est originaire. Ce film reste assez méconnu, pour d’obscures raisons, peut-être parce qu’il s’agit d’une comédie et que Preminger s’est fait sa réputation dans d’autres registres. Probablement aussi parce qu’à son générique ne figure aucune vedette de l’époque. Bien évidemment, le film fait son âge et il est en noir et blanc au format 4/3. Du coup, les jeunes générations risquent d'avoir du mal avec un état d’esprit qui leur apparaîtra bien vieillot. Ceci dit, l’humour qu’on y observe n’est pas sans rappeler celui des maîtres de l’époque, rien moins que Frank Capra, Ernst Lubitsch et Billy Wilder pour citer les plus réputés. Par bien des aspects, il s’apparente à la Screwball Comédy avec ses dialogues qui régulièrement sont balancés aussi rapidement que possible. Dans ce registre, ici le champion s’avère Edward Everett Horton qu’on a plaisir à retrouver même si sa présence se révèle un peu incongrue. En effet, il incarne Howard Rogers, le fiancé de Toni Pemberton (Ann Sothern) et il fait un peu vieux pour ce rôle. Bizarrement, la jeune et charmante Toni ne lui trouve qu’un seul défaut, celui de ne jamais la laisser s’exprimer : il lui coupe régulièrement la parole. Ceci dit, cette situation ouvre un boulevard à Jack qui ne va pas rester insensible au charme de la belle. A l’aspect comédie, s’ajoute donc une romance. Parmi les petits défauts de ce film, je dirais que la romance entre Jack et Toni manque un peu de naturel. Elle suit surtout une logique très cinématographique, avec deux individus qui ne peuvent pas se souffrir et qui finiront néanmoins par tomber dans les bras l’un de l’autre. Et s’ils ne peuvent pas se souffrir, c’est parce que dans le train, Jack a commis une maladresse en s’accrochant avec le jeune frère de Toni, n’ayant pas réalisé que le hasard le faisait voyager dans le même train que deux membres de la famille Pemberton. A sa décharge, il faut dire que le petit frère de Toni est un gamin insupportable que les membres de sa famille ont tendance à couvrir, alors même qu’il se montre désagréable et provocateur avec eux aussi. D’ailleurs, l’un d’eux ira jusqu’à féliciter Jack pour s’être opposé au garçon. Un garçon à la rancune tenace et qui ne manque pas d’imagination.


Preminger tire bien parti (mise en scène, direction d’acteurs) d’un scénario cosigné James Edward Grant et Ben Markson, pour proposer un film rythmé, avec de nombreuses situations de comédie et des retournements de situation qui s’enchainent, notamment autour de la valeur réelle du terrain et de qui veut bien l’acheter dans ces conditions. Il s’avère en effet qu’il pourrait valoir davantage que ce qu’en propose le cabinet d’avocats, ce qui est une surprise pour Jack lui-même. On finira par comprendre le pourquoi du comment et c’est assez finement imaginé. Alors, si ce film n’est pas un chef d’œuvre, il se voit avec plaisir et montre le savoir-faire de Preminger. Il représente un des jalons lui ayant ouvert les portes d’une belle carrière. Il évite les temps mort et se contente d’un minutage raisonnable (1h24). A noter quand même que son titre original (Danger-Love at Work) ne me semble pas très représentatif. L’amour au travail ici suggéré n’émerge pas entre collègues, mais entre l’avocat et un membre de la famille qu’il visite pour affaires. Mais cet amour ne l’empêche pas de faire son travail et ne le met pas dans une mauvaise situation personnelle, puisqu’il est libre. Le véritable danger vient surtout du fait qu’il ne maîtrise pas la situation vis-à-vis de la famille Pemberton et pas seulement à cause de l’excentricité de ses membres.

Electron
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le 10 janv. 2024

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