« Si les paysans ne paient pas, on a la loi pour nous. Et la terre va à qui on veut ».
Un film néoréaliste au début, mais sur une intrigue qui apparaît rapidement un peu lourde, avec des dialogues maladroits : un camion transportant l’argent d’une coopérative agricole est attaqué par des bandits (dont un homme de la région, ancien déporté, et une collabo dont on apprendra plus tard qu’elle a été tondue à la fin de la guerre) pour le compte de grands propriétaires terriens qui, les prêts octroyés aux paysans ne pouvant plus être remboursés, confisquent bêtes et matériel. L’aspect presque documentaire du début, avec la coopérative et ses ouvriers agricoles, les champs de la plaine du Pô minés par les Allemands, les machines agricoles et les barques, les paysans et éclopés survivants d’une guerre qui semble se poursuivre dans l’entreprise de déminage des terres, est trop vite abandonné au profit de cette histoire de bandits un peu ennuyeuse – dont le seul but semble être de mettre en scène la lutte entre les propriétaires terriens opposés à toute forme de collectivisation des terres et les paysans qui vont s’unir pour encercler les bandits, en formant de vastes battues, et récupérer l’argent. On n’est donc pas étonnés de percevoir au début du film l’influence d’Eisenstein dans certains gros plans et dans le montage.
L’histoire des bandits, trop longue, laisse place après 1h de film à un style ouvertement propagandiste et collectiviste, presque soviétique (qu’on retrouve encore dans les dernières images du film) : musique, chants, liesse populaire, discours, drapeaux et slogans, « mondine » bras levés dans les champs. Mais les étendues de la plaine du Pô, herbes et rizières, avec leurs sables boueux, leurs canaux et leurs barques, lorsqu’approche le dénouement, puis la scène avec la foule de paysans rassemblés pour juger le bandit rescapé, un des leurs (responsable, doit-il être condamné, ou bien est-il lui aussi victime des capitalistes de la terre ?), montrent que De Santis est bien un des grands représentants du néoréalisme italien : un cinéma réaliste, populaire, volontaire – qui évolue dans un terrain miné.