L’impératrice Yang Kwei-fei
Le film le plus radical de Mizoguchi. J’en suis sorti pantelant. De simples taches mouvantes traversant ou envahissant l’écran, les couleurs deviennent à la fois cadre et matière d’un drame où le cosmos devient humain. Film sur les dieux. Ou comment une jeune femme devient l’idole de pierre d’un empereur déchu, pris au piège de ses propres lois. L’empereur (Mazayuki Mori, égal ici de Toshiro Mifune et de Tatsuya Nakadai) avait prévenu la jeune impératrice : il ne peut plus défaire les lois qu’il a établies autrefois. Il n’est question ici que d’une seule loi : les femmes ne peuvent pas s’occuper de la politique, sous peine de mort. Cette loi plongera son règne dans la destruction. L’art et l’amour disparaîtront broyés, ne restera qu’une idole, la statue de la belle et trop pure Yang Kwei-fei. La femme devient une ombre, comme dans d’autres chefs-d’œuvre de Mizoguchi. Entre sublimation et sacrifice naît ainsi la voix, la voix du cinéma et de la nostalgie.