Au nom du Père,du Fils et du Saint-Esprit!

Austérité,foi biblique,contemplation et rigueur allemande ne sont à priori pas des arguments persuasifs pour quiconque se fait une idée du cinéma comme espace d'évasion et sublimation du réel. Et plus encore quand cet ensemble s'accompagne d'un moralisme sulpicien trop maitrisé qui rappelle bien des maitres d’œuvres de l'école nordique et germanique. Sauf qu'ici,ce formalisme étouffant ne s’encombre pas ou peu de sensationnalisme religieux et que les cadres,bien que découpés et filmés dans un schéma narratif très stricts,ménagent des espaces de vie à l'encontre d'une sacralisation trop formatée.

Car au delà de références évidentes à ses glorieux ainés et une propension à épouser minutieusement le parcours christique d'une enfant sacrifiée, le réalisateur lance un précieux et salvateur rappel à l'ordre. Que nous raconte t'il de cette orthodoxie religieuse semblable, à s'y méprendre, aux évangélistes américains prêchant la bonne parole d'un retour à la pureté de l’Âme Sainte? Que nous dit il sur L'Allemagne des églises purificatrices ou la croyance n'a de sens que si elle se dévoue entièrement au Christ,seul guide suprême à même de nous absoudre de toute pécheresse tentation? Il ya la comme un avertissement,à l'heure ou la crise existentielle rejoint le dévoiement des différents cultes religieux, au retour ethnoculturelle historique d'une race blanche supérieure qui détiendrait La Raison, et détournerait le catholicisme originel à des fins purement dominatrices. L'Heure n'est pas si loin ou ce pays traditionaliste profitait d'une déchéance sociale faramineuse et d'une révolte populaire contre le diktat économique de barons complaisants pour se porter au pouvoir. C'est cet endoctrinement permissif car insidieux, de la famille Bourgeoise rigoriste diabolisant la moindre notion de plaisir pour former la jeunesse Aryenne au non de La Nation Forte, que dénonce le metteur en scène.

S'il est vrai qu'il use pour cela de procédés techniques très (voire trop) étudiés, délimitant chaque séquence dans un mouvement frontal d'une sécheresse assez christique et annonçant en introduction de celles-ci un commandement dont on se demande s'il n'est pas exagérément didactique, surtout dans sa première partie, il réussit à dépasser ces acquis par la force de son propos.Les passages obligés sont vite désamorcés par la candeur pudique des jeunes acteurs et aux confessions sacerdotales emmurés succèdent des cadres aérés ou la vie enfantine est observées dans des lieux propices à l'épanouissement personnel( tentative de séduction dans la bibliothèque, confrontation éprouvante mais énergique dans la salle de gym et ainsi de suite). In fine, la dévotion harassante de cette jeune fille pour Dieu tourne à une forme d’abandon totale de soi, une dépossession intérieure tellement intense qu'elle en est à peine croyable. L'éducation punitive d'une mère incapable de transcender sa Vérité au seul nom de sa foi est contrebalancée par un père presque soumis à l'autorité matricielle et la gouvernante éclairée par sa lucidité. En témoigne cette fin poignante ou elle s'interdit d'éprouver de la tristesse car c'est, pour elle, Le Chemin décidé par les voix impénétrables du Seigneur tandis que son mari l’abandonne à son sort, incapable de comprendre l'aveuglement de sa femme.

Les sceptiques auraient tort de bouder une élégance formelle, certes rigoriste, mais bien moins aride que ce que pouvait laisser prévoir le genre et le synopsis. Ils y trouveront au contraire une étude clinique des dérives totalitaires qui ne se limite pas juste à un simple exercice de style mais bien à un impitoyable réquisitoire. Aidé par des acteurs sobres qui parviennent à nous questionner sur notre rapport au Divin et sur ce que cela suppose d'ouverture d'esprit, le long-métrage nous ouvre les yeux sur notre époque contemporaine dangereusement abrasive et tente de l’apaiser. Saluons l'effort,sans aucun ostracisme!
Sabri_Collignon
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le 1 nov. 2014

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