Lauréat d’un Ours d’Argent du Meilleur Scénario à la dernière Berlinale, Chemin de Croix a le droit à une sortie intimiste sur nos écrans français : peu de promotion, peu d’enthousiasme. Il faut dire que Dietrich Brüggemann ne fait pas dans la dentelle en traitant de l’intégrisme religieux – ici chrétien. Lui-même issu de cet univers un peu particulier, CHEMIN DE CROIX a tout d’un confessionnal.
Il n’y malheureusement que peu de choses à dire sur cette quatrième réalisation du cinéaste allemand : si la symbolique du film – critique de l’intégrisme par le prisme du chemin de croix du Christ – est bien présente, elle n’en est pas moins relativement lourde, et au-delà de soulever le manque de subtilité de Brüggemann pour ce qui est de traiter son sujet, on n’a que peu à dire sur CHEMIN DE CROIX. Aussi premier degré qu’il est maîtrisé, impossible de renier le talent qu’a le réalisateur pour capter les règles qui régissent ce microcosme très singulier.
La forme peut déstabiliser : composé de treize tableaux – le plus souvent des plans-fixes mais on compte aussi trois ou quatre plan-séquences – et donc de treize scènes, CHEMIN DE CROIX est un film très cadré, très construit, presque architectural. On joue ici beaucoup sur le placement des acteurs, le champ, le hors-champ et l’induit. En ça, le film se rapproche de THE TRIBE – comparaison appuyée par leurs thématiques très similaires – les ambitions ne sont pas les mêmes, mais les deux projets partagent beaucoup de points communs qu’il est intéressant de comparer.
Au-delà de son parti-pris de mise en scène réussi, c’est le casting de CHEMIN DE CROIX qui ressort vraiment : l’ensemble des acteurs est très bien dirigé, notamment dans les rôles tenus par des jeunes, vraiment très convaincants. Lea van Acken est excellente, de même que l’interprète de sa mère, Franziska Weisz, dont la rudesse et la colère du jeu transcende complètement les scènes où elle apparaît. Et si, plus que sa composition et de son final d’une noirceur et d’un pessimisme assez terrassant, il fallait retenir une chose du film de Brüggemann, ce serait bien cela;
CHEMIN DE CROIX est un film très écrit, très cadré, très maîtrisé. C’est peut-être cet état très net et taillé, cette absence d’émotions brutes qui empêchent le long-métrage d’aller au-delà de ses qualités bien présentes. Il y a beaucoup de bonnes choses, une multitude de talents et des ambitions affirmées et accomplies. Qu’est-ce qui bloque, alors ? Une certaine froideur – importante pour le propos mais qui empêche l’implication totale du spectateur, qui reste assez distant du destin du personnage principal. Expérience des plus intéressantes, manquant sans aucun doute de grandiose.
Par Kamaradefifien, pour Le Blog du Cinéma