Les hasards de la vie sont parfois marrants. Je n'avais vu ce film qu'une seule fois, très jeune à la télévision (à une époque où je regardais la télé, période pré-câble et numérique, et où ce genre de films passaient tard le soir, genre Cinéma de minuit ou ciné-club). Et je le retrouve dans la liste des films proposés par une compagnie aérienne d'un pays du Golfe, parce que pourquoi pas.
Bon alors c'est un film pré-code. Pré-Code = film tourné avant le sinistre code Hayes, qui a instauré le flicage des moeurs dans le cinéma hollywoodien pendant trois décennies. Et les films US pré-code des années 30 peuvent surprendre par leur liberté de ton un spectateur de 2023, hélas pas toujours pour les bonnes raisons (vous la voyez venir l'alliance improbable entre néo-féministes, puritains de civitas et frustrés barbus qui vont de nouveau faire disparaitre le corps des femmes - mais pas que - de l'espace public ?).
De fait, en matière de tenue vestimentaire très légère, ça démarre fort dès l'ouverture du film avec Ginger Rogers habillée de trois bouts de ficelles tenant des pièces de monnaie fictive. Ginger Rogers, aaaaah Ginger Rogers, je pourrais parler de son regard merveilleux pendant des heures mais on s'égare.
Sinon qu'on se rassure : il n'y a pas que des dames en petite tenue dans ce film, qui présente d'autres points d'intérêt. Déjà l'interprétation très moderne de Joan Blondell et celle très touchante (mais un peu plus datée) de Ruby Keeler, qui ringardisent assez facilement leurs partenaires masculins dans le surjeu lourdingue - exception faite de Dick Powell qui sait se tenir.
Ensuite, bien entendu, la patte Busby Berkeley. C'est une tarte à la crème de le rappeler, mais si ces films aux scénarios idiots et vieillots n'ont pas disparu de la mémoire collective, c'est surtout grâce aux numéros musicaux de Busby Berkeley. Quatre seulement ici, tous dignes d'intérêt - et pas seulement le célébrissime Shadow Waltz. Enfin, 4e raison de regarder ce film, le contexte social : aussi bien l'intrigue - jeunes femmes dans la galère financière - que le dernier numéro, expressionniste, vétéran de la première guerre mondiale au chômage et contraint d'aller à la soupe populaire disent beaucoup de l'Amérique post-1929 quand la crise frappait de plein fouet. Mais aux Etats-Unis, tout est prétexte pour faire spectacle, et ce film illustre - comme tant d'autres à travers les époques - le formidable optimisme et dynamisme de ce pays qui nous fait tant défaut dans notre France actuelle fatiguée de tout et de rien.