Eclipsé par le retentissant succès de Tigre et dragon, Chevauchée avec le diable, tourné avant mais sorti plus tard chez nous, reste méconnu dans la filmographie de Ang Lee. Dommage, car cette adaptation d'un roman de Daniel Woodrell vaut pourtant le détour.
Contrairement à une grande majorité de productions traitant d'un sujet similaire (la guerre de sécession), Ang Lee s'intéresse aux perdants, aux pro-sudistes, afin de poser un regard nuancé et loin d'un manichéisme bien pensant. Dans Chevauchée avec le diable, il n'y a ni bons ni mauvais, juste des hommes et des femmes embourbés dans un conflit qui les dépasse, certains luttant pour une cause qui leur parait juste quand d'autres étanchent leur soif de sang et de chaos.
Nous suivons des personnages complexes et humains dans une chevauchée sanglante au destin plié d'avance, nous apprenons à les connaître, à comprendre leur point de vue, tout en étant témoin d'actes barbares et abjectes, le cinéaste captant certaines séquences inconfortables car nous laissant à l'état de complices démunis.
Mêlant la tragédie sudiste au pur western, Ang Lee soigne son cadre et offre des images de toute beauté, confrontant la splendeur des paysages naturels à la violence de batailles parfaitement reconstituées. Dommage que le metteur en scène semble moins passionné par ce qu'il filme lors des instants plus intimistes.
Porté par un casting incroyable de quasi-inconnus à l'époque (Tobey Maguirre; Skeet Ulrich, Jewel Kilcher; Jeffrey Wright; Simon Baker; Jonathan Rhys-Meyer; Mark Ruffalo; Jim Caviezel...), Chevauchée avec le diable compense ses longueurs et son léger manque de souffle épique par un cadre splendide et un propos nuancé sur un sujet extrêmement complexe.