Les films qui montrent que l'amitié c'est mieux que l'amour, surtout entre hommes, il faut le dire, ça fait du bien.
Surtout quand c'est amené avec autant de finesse d'écriture. Le triangle Dog, Elsa, Mirales est une étude de cas exemplaire et j'ai du mal à penser à une oeuvre qui s'attarde sur ce genre de dynamique avec autant de concentration et de manière aussi divertissante. Il faut dire que Raphaël Quenard fait le boulot à ce niveau. Et forcément son personnage étant ce qu'il est, c'est-à-dire un con, chaque scène est remplie d'une tension palpable, on attend que ça casse, et puis ça redescend immanquablement.
C'est qu'on ne le connaît pas cet énergumène franc du collier et lourd au dernier degré, pourquoi on lui ferait confiance ? On a tout de suite envie qu'il se fasse rembarrer sèchement. Et on a raison parce qu'il le mérite, mais bien entendu, si on se laisse faire et qu'on n'est pas un peu malin, on va un peu vite en besogne, on n'apprend pas, du haut de sa culture en littérature appliquée, à ne pas juger un livre à sa couverture.
On a envie de se ranger du côté d'Elsa, on met ses espoirs en elle, pour qu'elle sorte Dog de cette relation toxique et on a envie de l'aimer parce qu'elle lui donne sa chance, même si on a du mal à comprendre pourquoi, on se dit qu'il y a erreur de casting, et non en fait, c'est juste qu'elle est de passage et pour elle ça compte pas vraiment.
On peut se faire salement duper : cette relation de passage, est-ce qu'elle fait le poids face à une amitié de plus de dix ans ?
Et c'est ce qui fout la merde.
"Si t'as pas de copine t'as pas de vie"
Il fallait le sortir de son trou le Dog, pour qu'il aille à l'armée. Il fallait qu'il souffre. Il fallait qu'il y soit préparé dans sa tête.
Et l'amitié survit quand même, l'amitié triomphe même.
En fait quand on devient adulte on se rend bien vite compte que ce monde est cruel. Et en attendant qu'il change on doit faire avec. Et si on est tout le temps un gentil béni oui-oui que deviennent ceux qu'on aime ? Que deviennent les autres si on ne sait pas leur dire les choses qui fâchent ?
Attention, je n'excuse pas le comportement de Mirales, loin de là, mais au fond il a raison, sans lui, qu'est-ce qu'il serait devenu le Dog ? Est-ce qu'il n'aurait pas agi correctement ? Est-ce qu'on ne doit pas à ses amis de les sortir de la merde, de décrocher le téléphone en pleine nuit pour venir les aider ?
En tout cas c'est toute une rationalisation qu'on peut se faire à partir d'une analyse rétrospective, même si ça ne vaut en réalité pas grand chose.
Mirales derrière ses façades de mâle alpha c'est quelqu'un qui n'a pas le courage de vivre dans la vraie vie, de faire des vraies choses, peur du travail et peur des femmes, et à défaut il vit dans sa tête, ses idées, ses livres, et comme il a honte et qu'il en souffre un peu, avec une bonne dose de masculinité toxique, il reverse tout son mal-être sur son meilleur pote, le pire truc à faire, un truc de lâche.
Et si les deux s'en sortent bien, voilà la raison : l'amitié, contrairement à l'amour, ça dure. Et pour qu'une amitié aussi foireuse que celle-ci nous touche autant, ça veut bien dire que l'amitié c'est beau et c'est bien. Et même celle-là réussit à être belle, à crever l'écran et à nous convaincre.
Et j'aime être convaincu par le cinéma.
Dans le monde des arts martiaux il y a beaucoup de charlatanisme, on va vous montrer des techniques de défense, des katas etc qui ne serviraient à rien dans un vrai combat et la personne sur qui on les démontre ne se défend pas et n'attaque pas. En gros les techniques ne sont jamais mises à l'épreuve du réel. Il y a un combattant de MMA chinois du nom de Xu Xiaodong qui s'est amusé à se battre contre toutes les écoles chinoises de kung fu et qui a décimé les grands maîtres un à un. Quand on se rend compte que le kung fu de Chine c'est du flan, on aime être convaincu par le cinéma. Et ce film, c'est tout sauf du kung fu de Chine.
L'amitié c'est mieux que l'amour !
Plus de films à thèse !
Et au fond, même cette analyse qu'on peut faire rétrospectivement etc n'est pas le fin mot de l'histoire. Elsa est l'élément qui rompt l'enlisement de cette amitié et qui la renforce. Mirales en avait besoin pour se rendre compte qu'il fallait commencer à vivre. On ne peut qu'être ému à la fin que ce connard de Mirales se mette enfin à faire quelque chose de sérieux. Et Dog en avait besoin pour se défaire du joug de Mirales.
L'amour c'est bien parce que ça renforce l'amitié, et là aussi le film nous le prouve à travers la mort tragique de Malabar.
Chapeau l'artiste