Attention Chef d'Oeuvre
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Mais je veux pas que ça fasse rire [...] je veux que ça dérange
Ces deux extraits de répliques prononcées par Jean Yanne à quelques secondes d'intervalles - bien qu'étant légèrement sortie de leur contexte je l'avoue - sont peut-être dans un certain sens ce qui résume le mieux ce film dont Jean Yanne endosse les multiples casquettes d'acteur principal, réalisateur, producteur, co-scénariste ou encore compositeur de la musique.
Car, si en tant que réalisateur Jean Yanne reste principalement célèbre pour ses talents comiques ; il faut bien avouer que Chobizenesse n'est assurément pas le film de cette facette là de sa carrière qui prête le plus à rire, on peut y voir un semi échec du réalisateur, mais avec du recul on peut se dire l'intérêt principal est peut-être ailleurs.
Chobizenesse raconte ainsi l'histoire de Clément Mastard, un metteur en scène de revue et autre music-hall. Rencontrant d'importantes difficultés financières il se met à la recherche d'un gros sponsors pour financer son prochain spectacle. Ce sponsor prendra la forme des quatre frères Boussenard, des industriels mafieux au visage de croque-morts spécialisés dans le domaine de l'acier et de l'armement. Il monte alors un spectacle encensant l'acier répondant à toutes les exigences des quatre industriels - y compris une chanson à la gloire du bazooka. Mais le spectacle est un échec, forçant Mastard à revoir ses plans, sombrant de plus en plus dans l'érotisme et la pornographie d'un côté et sollicitant contre son grès les partitions d'un génie artistique maudit en la personne de Jean Sebastien Bloch (incarné par un excellent Robert Hirsch).
En réalité Jean Yanne, livre là un film bien plus personnel qu'on pourrait le penser, on peut établir assez facilement un parallèle entre le réalisateur qu'il fut et les mésaventures de Clément Mastard. Jean Yanne avait en effet créé suite à la réussite de son premier long métrage “Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil” une société de production, cependant les autres films qui furent produits par cette société - qu'ils soient de lui ou non - furent en fin de compte pour la grande majorité des échecs. Jean Yanne rejoignant ainsi son personnage du côté des difficultés financières.
Mais plus intéressants encore, Wikipedia via Le Monde nous apprend qu'à cause de ces difficultés financières et d'un projet ambitieux ; le film précédent de Jean Yanne “Des Chinois à Paris” avait été en partie financé par un dénommé Marcel Dassault, homme d'affaires et marchand d'armes à l'instar des frères Boussenard qui, dans le film, financent le spectacle de Mastard.
Malheureusement, ces inspirations autobiographiques et des scènes plus que douteuses et trop longues extraites de la revue de Clément Mastard ressemblant à de l'art expérimental ; finiront de perdre le spectateur et le film recevra un accueil franchement négatif aussi bien auprès de la presse que du public qui boudera majoritairement le film (environ un demi-million d'entrée). Un film qui ne trouvera donc pas son public et restera plutôt incompris.
Cependant, l'on rit tout de même dans le film, citons par exemple Robert Hirsch - en compositeur maudit- qui nous livre ainsi une amusante imitation d'Hitler dans une scène du film où, énervé auprès de son orchestre trop amateur à ses yeux ils commencent à s'énerver auprès d'eux, se mettant ainsi à parler allemand et reprenant les mimiques oratoires du tristement célèbre dictateur (quant à lui en quelque sorte peintre maudit mais je ne suis pas très convaincu de cette blague) . Les chansons du film, si elles ne plairont pas forcément à tout le monde, prête tout de même à rire que ce soit par leur texte ou leur chorégraphie. Les visages toujours fermés des frères Boussenard finissant par s'illuminer à la vue du spectacle pornographique sont aussi amusant, etc.
Globalement Jean Yanne reste en terme d'humour dans son registre de la comédie satirique, critique de la société (ici particulièrement complexé, obsédé et frustré par le sexe) où l'on rit toujours un peu jaune. Critiquant le “chobizenesse ” il dénonce aussi par le biais du personnage de George Hirsch comment le génie artistique peut être cadenassé, se voir couper les ailes par l'argent et les intérêts des industriels.
A noter bien sûr que le nom de Jean-Sébastien Bloch n'est pas sans rappeler celui de Jean-Sébastien Bach. La femme de Bloch ayant également le même prénom que la femme de Bach. Tandis que deux femmes “meneuses de revues” se voient quant à elles octroyer le nom de deux philosophes : Bergson et Nietzsche.
Créée
le 4 sept. 2022
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