Omar Sy est un acteur confirmé et il le prouve une fois encore s'il en était besoin. Ce film n'est pas son coup d'essai et c'est d'ailleurs sur son nom que le film a pu trouver les financements pour se monter. Car oui, même de nos jours en France, mettre en avant un homme noir dans un film populaire demeure risqué.
Je me réjouis donc de la création de ce chocolat dont le goût savoureux et amer à la fois me reste encore en bouche quelques heures après la séance.
Savoureux car le personnage campé par le sémillant acteur se montre éminemment attachant. Esclave évadé, il erre de petits travaux en petits boulots jusqu'à la consécration parisienne. Largement épaulé par son mentor clownesque (fort bien joué par James Thierrée, professionnel de l'univers circassien), il passera de statut de bête de cirque à celle d'artiste adulé. Adulé certes, mais dans l'arène du rire. Au-delà du chapiteau, c'est plus délicat. Car en cette époque pas si lointaine, le mythe du sauvage est omniprésent. Finalement, tel Icare qui se brûla les ailes devant les rayons de l'astre solaire, Chocolat finira par fondre devant les flammes de la gloire. Cependant, que de rencontres attachantes dans ce parcours, que de scènes puissantes émaillent ce film ! Je songe en particulier à cette scène d'Othello absolument bouleversante de vérité... avant la chute du rideau. Glacée.
Et c'est là où l'amertume se joint au parfum cacaoté de l'histoire. Le récit est basé sur une histoire vraie et celles-ci se terminent rarement bien. Et si la fin est triste, elle s'avère puissamment émouvante. On pourra sans doute relever quelques errements historiques mais peu importe, l'essentiel se situe dans le message, celui qui montre le premier artiste noir reconnu en France. Et qui démontre que bien du chemin reste à parcourir. On se dit alors qu'à un siècle d'intervalle, si les mentalités ont évolué, c'est encore de façon bien timorée. A l'instar de cet enfant qui passe son doigt sur le visage de Chocolat pour s'assurer qu'il n'est pas couvert de teinture, la France pourrait ouvrir les yeux sur sa diversité actuelle, fruit de millénaires de mélanges, et toucher du doigt ses frères humains. Porté par un expressif Omar Sy au sommet de son art, cette oeuvre, sous des dehors facétieux, s'adresse au cœur des hommes et porte un profond message de tolérance.
Alors ce film tombe à point nommé en ce début de XXIème siècle tourmenté. Il raconte ce qui fût mais pourrait augurer ce qui sera. Il reste à espérer dans l'avenir que du chocolat, ce sera le délicieux parfum cacaoté qui restera dans ce cirque hexagonal et non l'amertume aux relents de haine.
Merci pour cette belle oeuvre !