Je ne fais pas partie de ces gens qui cataloguent systématiquement le cinéma français comme mauvais ou encore de ces abrutis qui politisent chaque œuvre et donc qui en détestent la majeure partie juste par principe et conviction. Toujours est-il qu’il faut se déplacer en salles, les cinémas traversant la pire période de leur existence, et néanmoins il est indispensable de rester vigilent devant un film afin d’être le plus pointu possible en terme d’exigence. D’autant que cette année le cinéma français régale les pupilles, n’en déplaise aux détracteurs, avec par exemple La Nuit du 12, Revoir Paris ou encore L’origine du mal…
Le premier long métrage du duo de réalisateurs Luc Bricault et Ida Techer était présenté en avant-première à la soirée d’ouverture du Festival du Film d’Arras en 2022. Avec Mathilde Seigner dans le rôle principal, le film est au croisement du drame social à la Ken Loach et de la comédie ouvrière à la The full monty, le talent du réalisateur britannique en moins. Ceci étant dit, il est évident que ce film aura son petit effet auprès du grand public. Il a d’ailleurs été très bien accueilli à en croire les éclats de rire pendant sa projection. Mais malheureusement on peine à y croire, les personnages sont extrêmement mal écrits. Les octogénaires-retraités en chorale n’ont pas cessés d’être infantilisés dans le récit. Si vous remplacez les acteurs de la chorale par des enfants de 6 à 10 ans, avec les mêmes dialogues, vous obtiendrez un meilleur résultat, plus authentique. Les blagues sont vaseuses et lourdes et les clichés fusent à foison. Les personnages frôlent la caricature : l’ancien docker massif, réticent et sceptique, l’élu de la ville antipathique et condescendant et la mère de famille en pleine crise de la cinquantaine en quête de stabilité professionnelle. Bien entendu, on se surprend à rire quelques fois mais l’émoi redescend rapidement face à l’enchaînement très rapide des scènes et des plans.
Le personnage principal, interprété par Mathlide Seigner, est quand même assez problématique. Outre les traits de caractère grossis et l’écriture bancale, le jeu d’acteur même est assez insipide. J’avoue avoir de grosses difficultés à capter l’essence même de son talent, dès lors que l’on peine à percevoir ses yeux, trop souvent cachés derrière la coiffure négligée d'une mère de famille débordée. On a l’impression étrange, que l’actrice elle-même n’y croit pas. L’envie et l’assurance ne traversent pas son personnage. Les moues asceptisées répétées de l’actrice en sont la preuve flagrante.
Les situations scénaristiques sont illusoires et irréelles. Faisant fi des improbabilités, les réalisateurs ont une confiance aveugle en l’imagination des spectateurs pour espérer qu’ils gobent la scène de la première partie du concert de Metallica, par exemple. Tout le problème du film réside dans son authenticité, pour un film qui se veut sociétal, évoquant de loin la précarité de l’emploi et des faillites industrielles de la région Hauts-de-France, on peine à croire en la sincérité de certaines scènes. Bien qu’étant une fiction, le film s’inspire tout de même d’une histoire réelle et plus précisément du groupe Salt and Pepper originaire de Dunkerque. À quoi bon insister sur la mention « inspiré d’une histoire vraie » si cette histoire est agrémentée d’invraisemblances au point de ne plus y croire ? Cette mention représentant une supercherie dans le cinéma moderne consistant à flatter le sentiment d’appartenance du spectateur pour l’inclure dans le récit, ou plutôt inclure la probabilité de son existence au sein même de la fiction.