Chœurs en exil est un film documentaire de Nathalie Rossetti et Turi Finocchiaro qui suivent un couple d’arméniens, Virginia et Aram tous deux passionnés par les chants ancestraux et décidés à tout faire pour perpétuer ces traditions. Avec leur groupe de chant et une troupe de théâtre, ils se rendent sur les terres de leurs ancêtres où ont, pendant des décennies résonné ces chants si particuliers et pleins de sens.
Ce documentaire est organisé comme un voyage initiatique avant même l’arrivée en Anatolie. Nous avons donc une vision de ce peuple éclaté autours du monde, un peuple déraciné que l’on retrouve seulement dans des terres d’accueil comme à Paris où à Istanbul. Ainsi, nous voyons de magnifiques paysages, mais aussi des lieux de cultes arméniens totalement ravagés par le génocide, des églises autrefois somptueuses et gigantesques à présent en ruine. On nous montre dans ce documentaire que la culture architecturale a été en grande partie perdue, et nous voyons les efforts que font certains pour perpétuer la tradition orale, elle aussi en perdition. Ce voyage engendre de nombreuses rencontres notamment à Istanbul avec d’autres arméniens mais aussi en Anatolie avec des peuples de tradition, religion et culture différentes. C’est un véritable message d’espoir qui passe dans ce documentaire dans la mesure où, malgré la tragédie qui a touché ce peuple, on voit que de nombreuses personnes font tout pour sauvegarder les traditions.
De plus, ce film a une très grande dimension humaine, les personnages sont très attachants car passionnés par leur culture et par le chant ancestral. Aussi, tous, par cette musique, sont liés à la fois entre eux alors qu’ils sont de tout âges et à leur passé et leurs origines, à leurs ancêtres disparus aussi.
Au cours du film, intercalés avec le voyage et les interviews, nous assistons à des morceaux d’une pièce de théâtre pleine de sens et d’une symbolique très forte sur le peuple arménien. On voit des corps avec des costumes en lambeaux qui subissent des attaques physiques violentes ce qui peut symboliser l’ethnie arménienne déchue, maltraitée, dépouillée de tout ce qu’ils avaient, leurs terres, leurs ancêtres, leurs traditions s’effondrent mais ces corps tentent jusqu’au bout de survivre et c’est ce que perpétuent aujourd’hui Aram et Virginia en luttant pour préserver leurs traditions et leurs chants. De plus, certains corps sont couverts de poussière qui peur représenter à la fois les ruines des édifices architecturaux mais aussi le fait que l’ethnie arménienne a été pendant un temps enterrée, comme disparue.
Ce film nous pousse aussi à nous interroger sur une dimension historique et morale. En effet, on peut voir qu’à Istanbul de nos jours, les populations arméniennes sont en demande de reconnaissance et on peut se poser la question du devoir de mémoire presque un siècle après le génocide arménien.
Ainsi, ce documentaire nous bouleverse et nous fascine avec ces chants si particuliers et cette tradition perpétuée tant bien que mal malgré les difficultés de ce peuple au cours du siècle dernier. On ressort de la salle pleinement concerné et plus riches d’un nouveau regard sur le monde et les Hommes qui nous entourent.