J'ai bien fait mes devoirs. Tout juste après avoir vu Halloween Ends, j'ai immédiatement eu envie de voir Christine, un film qui semblait avoir été une grande source d'inspiration pour le dernier épisode de la trilogie de David Gordon Green. M'enfin bref, on n'est pas là pour parler d'Halloween, mais bel et bien de Christine… alors, qu'est-ce que ça vaut ?
Eh bien, je dois dire que j'en ressors agréablement surpris. Moi qui ne suis pas un fan absolu de Carpenter ni de Stephen King, je dois bien avouer que j'ai été happé par le film dont il est question ici, si bien qu'il figure probablement dans mon top des meilleurs films du réalisateur, mais aussi dans celui des meilleurs films adaptés d'un roman de Stephen King. Pour l'anecdote, le con que je suis, qui ne s'était pas du tout intéressé à l'œuvre avant de commencer à la regarder, s'est même bêtement dit en plein milieu : « ça ressemble beaucoup à du Stephen King quand même ». Comme vous pouvez vous en douter, n'ayant pas (encore) lu le roman original, je ne pourrais donc pas faire un comparatif entre les deux œuvres : sachez juste qu'on était en plein dans une “Stephen King mania” à l'époque de la production du long-métrage, si bien que les droits ont été achetés avant même que le livre ne soit publié.
Au niveau des acteurs, on n'est pas face aux plus populaires de l'époque… et c'est ce qui a été voulu par Carpenter et le producteur, Richard Kobritz. On notera surtout la présence de Harry Dean Stanton, un acteur que les fans du premier Alien et de David Lynch connaissent bien. En tout cas, acteurs connus ou pas, ils se débrouillent très bien dans l'ensemble.
Concernant le film en lui-même, si le début n'est pas forcément des plus enthousiasmants, nous présentant un personnage principal, Arnie, beaucoup trop ridicule, le cliché du type qui se fait bullied, au point où ç'en devient grotesque, ça gagne vivement en intérêt une fois qu'on nous présente la fameuse Plymouth. Là où le film est vraiment intéressant, c'est dans sa manière de la personnifier, déjà en lui donnant un nom (Christine, au cas-où vous auriez eu du mal à lire l'affiche), aussi grâce à des plans à la première personne, et même en la faisant parler grâce aux musiques qu'elle diffuse à la radio. Christine est aussi une femme fatale, notamment lors de cette scène de strip-tease inversé : scène durant laquelle la voiture se répare d'elle-même et qui demeure, encore aujourd'hui, irréprochable. Pourtant, rien de bien novateur au niveau procédé employé, la voiture ayant été écrasée lors du tournage et les plans ayant été montés à l'envers afin de donner l'illusion que la voiture se répare d'elle-même. Mais Christine est surtout jalouse et possessive, n'hésitant pas à éliminer toute personne qui lui fait du « mal » (forcément, film américain oblige, c'est le noir qui meurt en premier) ou qui peut rentrer en concurrence avec elle, comme la copine du héros.
Démoniaque, la voiture influe sur Arnie durant l'intégralité du long-métrage, lui faisant gagner en assurance tout en prenant le contrôle du personnage, le faisant sombrer toujours plus dans l'excès… on pourrait presque y voir une relation dominant/dominé. Tout commençant par un simple “coup de foudre” d'Arnie pour Christine, affirmant dans un premier temps que « Pour la première fois j'ai trouvé un truc qui est plus moche que moi » (j'aimerais pouvoir dire la même chose) pour finir par laisser tomber ses lunettes et s'habiller comme James Dean… bon après, il m'a aussi fait penser à Doofy dans le premier Scary Movie lors de certains plans. Plus sérieusement, c'est intéressant de noter que c'est davantage Arnie qui a besoin de Christine que l'inverse : la voiture pouvant très bien se conduire d'elle-même, surtout quand il s'agit d'éliminer les bullies qui l'ont détruite quelques jours plus tôt. D'ailleurs, si on y réfléchit quelques secondes, et si on part du principe que Christine est bel et bien un personnage, les bullies n'ont pas fait que la “détruire”.
Par corollaire, l'une des autres forces de Christine, c'est son mélange des genres. Outre le triptyque classique épouvante/thriller/fantastique chère à King et Carpenter, on peut aussi y voir du rape and revenge, mais aussi du slasher : Christine éliminant chacun de ses opposants d'une manière différente.
Bref, j'ai été pleinement conquis par ce Christine de John Carpenter. Ç'a beau être un film qu'il a tendance à renier, à trouver impersonnel, je crois que c'est l'un de mes préférés de sa part. Surtout que, film de commande ou pas, on retrouve la patte du bonhomme, sa manière de filmer, mais aussi sa BO : et comme toujours avec lui, elle est irréprochable ! De surcroit, pour un long-métrage de 1983, je trouve que ç'a très bien vieilli : on a beau savoir que ç'a été tourné dans les années 80, le film ne tombe à aucun moment dans le kitsch, seul Keith Gordon a tendance à surjouer mais on ne tombe pas dans le ridicule pour autant, les jeux de lumières sont irréprochables, et l'utilisation d'une Plymouth Fury 1958 contribue à rendre ce film intemporel. Stephen King avait choisi ce modèle, car tombé dans l'oubli : bravo à lui, il est devenu légendaire grâce à Christine.