(oui bon j'étais pas inspiré). Prix du meilleur scénario à Cannes cette année (décidément ils ont fait fort), Chronic est la chronique d'un aide soignant (Tim Roth, minimaliste) à domicile pour personnes en phase terminale de diverses maladies, un homme aussi généreux que mystérieux. Au début du film nous ne ne savons ainsi rien de lui, la seule qualité du film étant justement la révélation progressive de son passé fait de nombreux non-dits. Un passé qui donnera peu à peu un sens au film, même si ce qui est gênant ici est principalement la forme de toute façon.
On fait finalement ici face à ce qui m'avait dérangé dans Amour de Haneke : un misérabilisme faussement pudique, qui ne fait que montrer l'horreur des maladies et l'homme épongeant cette horreur avec compassion. Les plans sont longs, fixes, et surtout les cadres sont d'une morale au mieux incompréhensible, au pire douteuse. En effet, la caméra est loin des personnages, comme si elle était pudique, pourtant l'angle montre tout ce qu'il y a à montrer : femme anorexique souffrant du sida dans la douche, fesses nues recouvertes de défécations, la mise en scène insiste sur une souffrance brute, "choc".
Choquer le spectateur, cela peut avoir un intérêt lorsqu'il y a dénonciation derrière, ou en tout cas démonstration. Or ici, il n'y a que le choc. Pourtant une échappée était possible avec le portrait de cet infirmier prenant son métier trop à coeur pour ne pas cacher quelque chose, mais jamais l'émotion ne déborde de l'écran, Tim Roth jouant son rôle d'introverti avec paradoxalement peu de générosité Même quand l'émotion survient enfin de la part d'une malade, Franco choisit justement ce moment pour cadrer en hors-champ. Choix de mise en scène qui cache peut-être un propos intéressant, mais aucune porte d'entrée n'est fournie au cours du film.
En fait, le seul moment qui m'a touché est un long silence de Roth lorsque la personne en face de lui (histoire de ne pas livrer toutes les clés du film malgré tout) lui demande si "il" lui manque. C'est à se demander pourquoi Michel Franco s'est autant borné à consacrer son film au quotidien des soins des malades, inintéressant dans son grossier étalement de misérabilisme, alors qu'il tenait à côté un sujet assez fort.
Car de toute évidence, Chronic est finalement avant tout un film sur (méga spoiler)
l'euthanasie et la culpabilité, David s'occupant autant des malades afin de se "rattraper" de l'euthanasie de son fils malade effectuée des années plus tôt.
Mais le pire du film reste la fin, aussi surprenante que parfaitement inutile dans le récit. Alors oui on reste sur le cul, mais dans quel but ? Que veut nous faire ressentir Franco à part le choc pour le choc ? Encore pire, en analysant un peu, on pourrait même penser que (spoiiileeeer !)
cette mort aussi soudaine qu'arrivant de nulle part (le feu est rouge) apparaît comme un châtiment divin contre David, le punissant ainsi d'avoir euthanasié son fils et la dame à la fin. Ok, j'extrapole peut-être un peu, mais quel autre sens donner à la scène ?
Bref, Chronic avait le potentiel pour être un film intéressant, il n'est en fait que pure esbroufe sensationnaliste, ne laissant quasiment jamais l'espace émotionnel suffisant pour que du vrai cinéma se déploie devant et derrière la caméra.