This ain't no fuckin' comedy
Le public mondial ne se lasse pas de ces films tournés en Found Footage Film, en gros avec une caméra intra-diégétique. Cloverfield, REC, Paranormal Activity, tous ces films ont fait d'énormes scores au box-office et on ne cesse de sortir ce genre de films, 2 fois par mois... Chronicle en fait partie.
Cependant, au lieu de bêtement s'attacher à une caméra, Chronicle propose une originalité bienvenue. N'importe quelle caméra intra-diégétique compte. On verra donc les aventures de nos protagonistes par une caméra DV, bien sur, mais tout aussi par une caméra de surveillance fixe, la caméra d'une voiture de police ou par une autre caméra DV. Cela permet à Josh Trank de mettre en scène activement et non pas de se laisser juste porter par une caméra comme Matt Reeves dans Cloverfield (dont on critiquait son héros trop metteur en scène et pas assez spontané). A ce petit jeu là, le rookie (au cinéma, néanmoins, ayant déjà mis en scène des épisodes de la médiocre Kill Point) s'en sort très bien, jouant avec les points de vue à merveille, sans jamais perdre son spectateur entre les points de vue, tout en exprimant une petite critique sur notre génération, qui ne peut s'empêcher de tout filmer. La réalisation est d'autant plus originale qu'on ne compte aucun jump scare comme tous les films d'aujourd'hui, aucun plan racoleur lors de soirées arrosées (pas très nombreuses heureusement) et un rythme incroyable sur les scènes les plus sauvages.
Le film est bien aidé par un scénario passionnant, mêlant franche buddy comédie pour commencer, film catastrophe sauvage en deuxième partie tout en gardant une part de gravité et de critique sociétale en fond, grâce au personnage principal d'Andrew. Ce jeune garçon, inoffensif et clairement paumé, bascule peu à peu dans la folie par manque de confiance en soi et par un sentiment de puissance nouveau et dérangeant. C'est évidemment là que réside la force du scénario : dans la mise en place du drame inévitable. On commence doucement avec une voiture envoyée dans un ravin, une bonne demi-heure passe et on devient carrément violent à cause d'une simple raillerie pour un vomi sur une fille. Ca peut paraître futile, mais c'est totalement de notre génération et c'est effrayant. L'autre excellent point de ce scénario, c'est le maniement absolument fantastique de l'ellipse, surtout celle de la prise de pouvoir. Elle permet au réalisateur de s'affranchir de toute explication et d'envoyer le spectateur là où il ne s'attendait pas. Qui plus est, la partie comédie est fine, jamais graveleuse et clichée, toujours drôle ou réaliste, bref, un modèle du genre.
Mais que ce serait tout ceci sans son trio de newcomers sur grand écran ? Si Michael B. Jordan ne fait que confirmer les excellentes dispositions qu'il avait montré dans Friday Night Lights, les deux autres acteurs principaux, Alex Russell et l'exceptionnel Dane DeHaan (tour à tour drôle, sympathique, pathétique, émouvant et sacrément terrifiant) ne sont pas en reste et s'imposent comme d'excellents espoirs pour un cinéma américain qui ne cesse de se trouver de jeunes pousses satisfaisantes. Tout n'est évidemment pas parfait, Michael Kelly par exemple surjoue un peu, certains CGI sont immondes et quelques éléments sont prévisibles, mais le film est si original, passionnant et profondément intéressant qu'on ne peut qu'applaudir ce genre de tentative.
Il a été souvent dit que cette année serait une année charnière des superhero movies. Entre The Dark Knight Rises et The Avengers, la bataille était censée faire rage. On n'avait pas prévu qu'un petit poucet prenne autant d'avance et ceci, sans aucun apport du nouveau grand manitou de la science-fiction J.J. Abrams. Presqu'un chef d'œuvre.