Ainsi que l'ont chanté les grands philosophes contemporains Pascal Obispo et Natasha St-Pier:"si l'on devait mourir demain,qu'est-ce qu'on ferait de plus,qu'est-ce qu'on ferait de moins?".C'est aussi la question que se posent quelques colombiens alors que 2012 approche.Mais si,2012,souvenez-vous,cette année qui devait être,d'après une soi-disant prédiction Maya,Maya l'abeille probablement,celle de la fin du Monde.Et les personnages ont l'air d'y croire,à cette fable.De prime abord,on en déduit que les colombiens sont très cons.Puis,à bien y réfléchir,on se souvient que pas mal de crétins de tous les pays avaient également gobé cette galéjade,et on se dit aussi que les Mayas formaient une civilisation précolombienne,et qu'à ce titre cette prévision pouvait avoir plus de sens dans la patrie d'Escobar qu'ailleurs.Pablo Bernal,ex prof vivant reclus dans son appartement depuis vingt ans suite à l'attentat à la bombe ayant coûté la vie à son épouse,a décidé d'occuper ses derniers instants à insulter au téléphone tous ceux qui l'ont emmerdé dans sa vie.Il n'a de contact réel qu'avec son fils,un loser mou comme une chique.Nous avons ici affaire à un film complètement fauché.Mauricio Cuervo Rincon cumule les fonctions de producteur,réalisateur et scénariste,des noms de famille apparaissent plusieurs fois au générique et certains techniciens occupent plusieurs postes.La mise en scène et l'interprétation frôlent l'amateurisme et la musique,sinistre et soporifique,semble avoir été composée par un dépressif chronique qui aurait omis de prendre ses cachets.Il y a quatre personnages et trois décors exigus filmés serré.L'action se résume à des scènes de dialogues assez courtes."Chronique de la fin du Monde" n'est cependant pas dépourvu d'intérêt.C'est assez ironique et souvent drôle,les conversations téléphoniques notamment ne manquent pas de sel.Le film revêt en outre un aspect philosophique plutôt pertinent.Il y apparait que cette fameuse fin du Monde ne ressemble pas forcément à ce qu'on imagine.Il n'est pas question ici de cavaliers de l'Apocalypse ravageant tout sur leur passage,ni d'holocauste nucléaire vitrifiant la planète.Ce que Cuervo nous dit,c'est que le processus est beaucoup plus insidieux et progressif,que la fin du Monde c'est un peu tous les jours,au rythme lascif de la décadence.Il introduit aussi l'idée que ce ressenti est propre à chacun de nous.Chaque homme vit la fin de son monde personnel.Si Bernal appelle ces personnes de son passé,dont certaines sont déjà mortes,ce n'est pas uniquement par vengeance,mais surtout pour se raccrocher à son univers,celui qu'il a connu et qui est en voie de disparition.S'il refuse de sortir de chez lui,ce n'est pas seulement par peur post-traumatique,mais plutôt parce qu'il refuse ce nouveau monde en perpétuelle évolution dans lequel il ne se reconnait pas et où il ne pense pas avoir sa place.De l'usage du cocooning face à la barbarie moderne.A ce propos,la peinture qui est ici faite de la Colombie actuelle ne donne pas vraiment envie.Cuervo filme des zones urbaines délabrées et un pays à l'économie déficiente,hormis sans doute celle du trafic de drogue.Assurément,l'oeuvre n'a pas été sponsorisée par l'Office du Tourisme local.Il est d'ailleurs aussi question d'héritage,de la situation que la génération de Bernal a léguée à celle de son fils.Comme le disent les personnages,la génération du père pouvait rêver à un avenir et construire sa vie sur des bases solides,alors que celle du fils doit se débattre dans un environnement déliquescent où la population est privée de repères et de perspectives autres que celle de survivre au jour le jour en nageotant au fond de la fosse à merde.Le film a donc des qualités fondamentales,mais il est sévèrement handicapé par le manque de moyens,la faiblesse des acteurs,et l'absence d'émotion éprouvée vis-à-vis de personnages aigris et antipathiques.