Il y autant de monde devant que derrière la caméra dans ce film choral faisant partie des rares comédies japonaises de la période classique — instinctivement on peut penser à Sazen Tange, le pot d'un million de ryos (Sadao Yamanaka, 1935) — dans laquelle on retrouve Shōhei Imamura à la collaboration pour l'écriture du scénario. Derrière ce long titre Chronique du soleil à la fin de l'ère Edo se cache une chronique, certes, mais focalisée sur la vie à l'intérieur d'une maison close qu'on ne quittera presque jamais. Les débuts sont assez difficiles à appréhender car la multitude de personnages qui se croisent et l'imprécision volontaire des enjeux laissent pendant un long moment le regard hésitant, sans avoir la possibilité de le poser sur quelque chose de précis, d'immobile, ou d'aisé à cerner.


Petit à petit on se familiarise avec le rythme soutenu, avec le ballet des geishas qui passent d'un client à l'autre, aidé en cela par l'incroyable Frankie Sakai dans le rôle d'un acteur complètement fauché, contraint de rester dans les lieux pour y travailler afin de payer une addition très salée qu'il n'a pas pu régler. Kawashima semble prendre avec cette comédie burlesque, à la fois légère et complexe, un sentier radicalement opposé aux canons des classiques de l'époque, sérieux, à tendance sociale, investiguant ici une certaine frivolité doublée d'une comédie de mœurs.


Quasiment tout le film, et pour ainsi dire tous les segments qui le composent (et il y en a un sacré paquet), sont reliés par ce personnage d'hurluberlu au visage si singulier, le tricard qui devient grâce à sa vivacité d'esprit et son sens de la débrouille un élément incontournable. Petit à petit, presque malgré lui, au fur et à mesure des pécules qu'il obtient pour les services qu'il rend à tout le monde, personnel comme clients, il sait se rendre indispensable. Le public est hautement bigarré, des prostituées en conflit permanent jusqu'aux samouraïs nationalistes fomentant un attentat terroriste en passant par les clients réguliers sous le charme qui croient au mensonge d'une promesse de mariage. La quantité de personnages est aussi importante que la diversité des statuts sociaux et des problématiques respectives, et l'ensemble se trouve agréablement mélangé par l'entremise de la gouaille de ce sacré Saheiji.


http://www.je-mattarde.com/index.php?post/Chronique-du-soleil-%C3%A0-la-fin-de-l-ere-Edo-de-Yuzo-Kawashima-1957

Créée

le 20 août 2021

Critique lue 97 fois

4 j'aime

6 commentaires

Morrinson

Écrit par

Critique lue 97 fois

4
6

D'autres avis sur Chronique du soleil à la fin de l'ère Edo

Du même critique

Boyhood
Morrinson
5

Boyhood, chronique d'une désillusion

Ceci n'est pas vraiment une critique, mais je n'ai pas trouvé le bouton "Écrire la chronique d'une désillusion" sur SC. Une question me hante depuis que les lumières se sont rallumées. Comment...

le 20 juil. 2014

144 j'aime

54

Birdman
Morrinson
5

Batman, évidemment

"Birdman", le film sur cet acteur en pleine rédemption à Broadway, des années après la gloire du super-héros qu'il incarnait, n'est pas si mal. Il ose, il expérimente, il questionne, pas toujours...

le 10 janv. 2015

140 j'aime

21

Her
Morrinson
9

Her

Her est un film américain réalisé par Spike Jonze, sorti aux États-Unis en 2013 et prévu en France pour le 19 mars 2014. Plutôt que de définir cette œuvre comme une "comédie de science-fiction", je...

le 8 mars 2014

125 j'aime

11