Emmanuel Mouret est un dandy lettré. Son cinéma auto-centré ne s'en cache pas. Chaque cadre vient à un moment enserrer une référence picturale ou un classique de la littérature. Il y a dans cette part d'adoration fugace et conservatrice, l'oeuvre intemporelle figée dans le temps. Il y a aussi le souvenir d'une époque vertueuse nourrissant les rêves. Un instant magique dans l'espace-temps entre le fantasme inspiré des grands Romantiques et les amours naissants. Ce qu'aime Mouret n'est pas tant l'étalage frigide culturel mais plutôt la rupture du classicisme. Son geste se traduit en heurtant notre environnement social à la multiplicité des courants artistiques passés. Même si désordonné, Fais-moi plaisir avait ce petit grain de folie coloré très sixties en adéquation avec le Blake Edwards de The Party.
Chronique d'une liaison passagère ne dévoilera son lien de parenté avec Ingmar Bergman qu'en dernière bobine. Bien avant que Mouret n'annonce en grande pompe "l'arrivée" du cinéaste suédois, ce dernier essai à tous les atouts de la poésie Rohmerienne. Si l'on excepte le ratio de l'image et la sophistication de jeu, Chronique se regarde comme un Conte moral ou un Conte des quatre saisons. Une rapide introduction avec pour dessein de faire les présentations : Lui, Simon (Vincent Macaigne) marié, deux enfants. Elle, Charlotte (Sandrine Kiberlain) séparée, trois enfants. Des lieux publics et communs : Un bar, un parc, un hôtel... Une gestuelle hésitante avant le grand plongeon dans le bassin de la relation extra-conjugale. Derrière la barbe de Simon, Emmanuel Mouret **se met en scène dans la peau d'un homme plus jeune et légèrement empoté. Sous les cheveux blonds de Charlotte, la femme d'aujourd'hui se traduit par son accessibilité et sa liberté d'entreprendre. Irrésistiblement attiré l'un envers l'autre, le couple devine son éphémérité. Emprisonnés dans un rectangle intime, les voilà seuls au monde à philosopher sur le temps qu'ils leur restent. Printanier avec ce que cela implique de reflets ensoleillés, Chronique possède cette mélancolie des amours sans lendemain. Des motifs déja envisagés par d'autres avec tout autant d'envie et de coeur. **Mouret ne reste finalement qu'au niveau des préliminaires mais est-ce là peut-être le prix à payer pour un surplus de légèreté et une pointe d'amertume ?