Un condensé absurde et assez terrifiant de la théocratie totalitaire du régime iranien à travers neufs scènes assez inégales pour démontrer en quoi le soulèvement populaire du pays depuis l'assassinat de la jeune Masha Amini en 2022 était inéluctable.


Tandis qu'un panel plutôt représentatif de la société égrène différents griefs envers des représentants de l'autorité publique à travers des cadres constamment fixes, le hors champ délimite par des voix à la suavité trompeuse la main invisible d'un état qui entend régir le quotidien de ses administrés jusqu'à bafouer l'intimité. Un sentiment d'impunité qui n'est que le corollaire d'un obscurantisme de plus en plus radical des Gardiens de la Révolution Islamique envers ce qu'ils considèrent comme une insupportable deviance occidentalisee de de son peuple.


Sur le papier, le projet paraît assez prometteur ne serait que par son économie de production et de mise en scène (il faut lire les déclarations édifiantes des cinéastes à propos des conditions de tournage à ce sujet). À l'écran le résultat est hélas bien moins convaincant. Premièrement les comédiens ne sont pas tous logés à la même enseigne, d'où une certaine disparité dans leur expression selon l'intensité des situations. Ensuite le dispositif est parfois trop théâtrale, et les regards caméras lourdement appuyés de certains n'aident pas à pleinement s'identifier. Enfin s'il est bien question de dénonciation politique, le film reste toujours à la lisière entre le licite et l'illicite de peur de s'attirer les foudres de la censure. C'est tout à fait compréhensible, mais étant donné le courage de nombre d'artistes cinéastes dissidents ayant émergé depuis l'essor de la cinématographie Persane ces vingts ou trentes décennies (parmi lesquels Panahi, Rassoulof, Kiarostami, Farhadi pour ne citer que quelques uns des plus illustres) nous spectateurs sommes en droit de maintenir une certaine exigence intellectuelle autant qu'artistique.


À réserver essentiellement aux profanes qui souhaiteraient découvrir cette vitalité jamais démentie malgré l'extrême sévérité du pouvoir politique, car les habitués pourraient vaguement s'en désintéresser.

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le 15 mars 2024

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