Chroniques sexuelles d'une famille d'aujourd'hui par Patrick Braganti

S'emparer de la question de la sexualité en faisant l'impasse sur celles du désir et du plaisir, c'est le meilleur moyen de réaliser un film vide et triste, ennuyeux et inintéressant au possible, alors que le sujet est au final passionnant. La promotion de Chroniques sexuelles d'une famille d'aujourd'hui, nouvel opus du duo formé par Jean-Marc Barr et Pascal Arnold, met l'accent sur l'authenticité des scènes sexuelles explicites, captées frontalement, sans souci d'embellissement ou de duperie – seule originalité d'une œuvre plate et sans saveur, incapable de créer la moindre intimité entre les tribulations de cette curieuse famille et le spectateur.

La péripétie du cadet, surpris en plein cours de biologie à se masturber et à se filmer sur son téléphone portable, va semer le trouble au cœur de la famille où la question sexuelle devient soudainement centrale et traverse les trois générations qui peuplent la maison vaguement bohême et artistique : du grand-père veuf qui recourt aux bons soins d'une prostituée aux enfants (le puceau obsédé, l'expérimentateur qui se cherche et la sœur qui a trouvé son épanouissement) en passant par les parents en proie au doute sur leur vieillissement et leur dégradation physique. Ce qui pose ici le plus problème, c'est la sensation que l'acte sexuel revêt un caractère obligatoire, le signe d'une appartenance à un corps social. Au moment où le tourmenté novice perd son pucelage, il ne laisse paraître qu'une certaine lassitude, comme déjà blasé et soulagé de se débarrasser d'un rite qui ne lui apporte aucun plaisir – en tout cas, il n'en exprime aucun. Il y a dans l'observation impudique, mais jamais dérangeante et encore moins subversive, de la famille une dimension sociologique incontestable : on peut reconnaitre de l'audace à filmer la relation entre un vieil homme et une prostituée attentionnée. On est à l'inverse plutôt décontenancés par ce que le film montre des pratiques de la jeune génération, motivées par la performance, l'exhibitionnisme et la rupture des conventions. Échapper à la routine est le credo de la sœur et de son mec, lequel est de manière inattendue capable de faire preuve de beaucoup de délicatesse et de subtilité lorsque, se masturbant aux côtés de sa copine, il décrit par le menu ce qu'elle lui inspire.

D'un amateurisme confondant, mal joué par des comédiens qui cachent mal leur ennui et finissent par nous le communiquer, le film qui revendique l'esprit libertaire des années 70 ne parvient jamais à traiter son sujet, se complaisant à juxtaposer des séquences d'ébats laides, sans érotisation, à des conversations vaines, à la limite du ridicule. Où Jean-Marc Barr et Pascal Arnold sont-ils allés pêcher cette idée saugrenue que la sexualité, sujet de l'intime par excellence, pouvait être débattue avec futilité et superficialité à la table familiale ? On se le demande encore.
PatrickBraganti
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le 12 mai 2012

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