On n'a pas retrouvé le propriétaire du revolver. Et son corps n'a pas pu être identifié. Au sujet de la requête que vous avez bien voulue nous faire parvenir voici quelques jours, émaner de la famille afin d'obtenir des renseignements et des précisions sur le sort de madame Kleits et mademoiselle Chavez. Hannu a bien vu deux femmes, mais refuse de donner d'autres informations. Je vous permets de signaler le fait suivant : nous avons trouvé dans le fort une tombe qui semblait creusée depuis peu. Je n'ai pas voulu assumer la responsabilité, ni commettre le sacrilège d'une exhumation. On a planté une croix dessus. C'est une très petite tombe.
Un western dramatiquement puissant
Chuka le redoutable réalisé par le cinéaste Gordon Douglas, est un western étonnant, imprévisible et d'une subtilité troublante. Une œuvre conséquente écrite par Richard Jessup. L'histoire nous entraîne au cœur d'une compagnie disciplinaire tenant l'avant-poste d'un fort en plein territoire Indiens. Le récit possède une structure bien ficelée en proposant son lot de rebondissements dès la scène d'ouverture. Une séquence durant laquelle on assiste à la fin d'un interrogatoire dirigé par le commandant de l'armée américaine contre "Hannu", chef indien. Par le biais des explications du prisonnier on bascule aussitôt sur un fort totalement brûlé, ainsi qu'une vingtaine de cadavres rapatriés. Un terrible événement auquel nous renvoie l'histoire avant que tout cela arrive. Dès lors, le ton est donné, il est attendu un périple profondément pessimiste. La chute d'une compagnie américaine. Un scénario brillant au service d'une exposition impitoyable. Une noirceur implacable à laquelle vient se greffer une histoire d'amour bouleversante. Une conception dramatique redoutable qui met en avant la noirceur humaine.
Chaque événement entraîne son lot de gravité et de violence : la mutinerie dans le fort, la perte des êtres chers, des femmes indiennes violées par des soldats, la famine autour des déportations indigènes, ou encore la révélation autour du colonel "Stuart Valois" qui fut castré lors d'une mission au Soudan. En clair, l'accent n'est pas à la fête mais à l'épreuve, avec un réalisateur qui n'hésite pas à dénoncer les travers et autres monstruosités commises par les soldats américains envers les Indiens à une époque considérée comme l'âge d'or de l'Amérique. L'ambiance est rondement maîtrisée. D'un huis-clos oppressant on bascule avec aisance sur de l'action rude. Des transitions nerveuses appuyées par une tension pesante et malsaine. Une ambiance putride venant contaminer la psychologie des personnages. En témoigne la scène du repas où le colonel contaminé par les esprits malsains de ses hommes et de son environnement retrouve un semblant d'humanité en la compagnie de deux jeunes femmes. Les différentes actions sont efficaces et abruptes ! Une scène sort du lot : le combat à mains nues entre le sergent Otto Hahnsbach (Ernest Borgnine) et Chuka (Rod Taylor). Un combat anthologique où la lourdeur des poings écrasent les corps meurtris des deux comédiens. Un long duel durant lequel on se régale !
L'ensemble de la distribution nous régale ! Les comédiens incarnent avec force des personnages torturés. Un caviar dramatique. Rod Taylor est Chuka le redoutable. De sa masse imposante, le comédien incarne avec force un cowboy intègre et courageux. Une figure tragique qui va se présenter comme l'ultime défense du fort. Le sergent Hahnsbach incarné par Ernest Borgnine, est excellent. Un second rôle de gros bras important. La dualité entre Chuka et Hahnsbach tiens en haleine. Lucciana Poluzzi alias Veronica Kleits bien qu'un peu en retrait sert avec subtilité le personnage principal. Victoria Vétri sous les traits d'Hélèna Chavez, bien que trop en retrait est intéressante (sur la fin). Pour finir, le colonel Stuart Valois, qui est le protagoniste le plus captivant. Incarné avec brio par John Mills, l'acteur livre une bonne performance.
Gordon Douglas propose une réalisation redoutable appuyé par une photographie soignée. La composition musicale de Leith Stevens soutient les différentes séquences, renforçant l'intensité de l'atmosphère ainsi que les instants dramatiques. Les décors sont savamment mise en boite malgré la limitation du budget. Une élaboration saisissante qui joue avec intelligence de ses images pour créer une tension qui ne cesse de prendre en ampleur. Une lourdeur incarnée par la menace d'une invasion indienne que l'on sait inéluctable. Une oppression qui trouve son point le plus fort lors du terrible final.
SPOILER SPOILER SPOILER
SPOILER SPOILER SPOILER
Tout le monde est mort, ne reste que Hélèna Chavez et Chuka transpercé par une lance. Tous deux se cachent sous des escaliers en attendant que les Indiens quittent le fort. Finalement, ils se font surprendre par le dernier indien encore présent, le chef de la tribu Hannu. Afin qu'Hannu ne soit pas aguiché par l'idée d'enlever la jeune femme, Chuka braque son révolver sur la tête d'Hélèna, prêt à tirer pour lui éviter de nombreuses souffrances. Une séquence intenable sous haute tension. Une désespérance totale. En mémoire de son geste bienveillant passé envers Hannu, l'indien épargne Chuka qui mettra en terre sa bien-aimée Kleits pour disparaitre avec Hélèna. Il laisse son arme derrière lui et fera de la tombe de sa bien-aimée la sienne, afin que les militaires le pensent mort. Un travail remarquable !
FIN SPOILER FIN SPOILER FIN SPOILER
FIN SPOILER FIN SPOILER FIN SPOILER
CONCLUSION :
Chuka le redoutable réalisé par Gordon Douglas est un grand western. Un huis-clos atypique, rude et acerbe. Un film palpitant construit autour d'une dramatique conséquente autour de la psyché des personnages principaux. Un long-métrage oppressant qui tient en haleine du début à la fin le spectateur qui se régale d'un final remarquable.
Un western de survie intensif.