Peut être étais-je trop jeune, ou n'ayant pas le bagage suffisant, ou tout simplement pas dans un bon jour...
Enfin, dans tous les cas, je n'étais surement pas prêt.
Revoir Chungking Express, enfin l'impression de le voir tout simplement, efface ce souvenir mitigé de sa découverte, moi qui en attendais tant alors que j'avais déjà été sous le charme de Wong Kar-wai.
Chungking Express résume assez bien l'idée que je me fais du cinéma de Wong Kar-wai, il n'est pas là pour raconter une histoire (elle est ici assez simple et sans grande importance) mais pour capter l'essence des personnages qu'il met en scène. Il donne l'impression (totale) d'être dans une bulle avec ces personnages, allant par deux à chaque fois, et on capte les ressentis sur le moment, les sentiments ainsi que les petites choses du quotidien.
Son cinéma est vivant, il met en scène un romantisme urbain qui n'est pas sans émouvoir et est toujours inspiré derrière la caméra. Tourné avec peu de moyens (utilisant notamment la lumière des magasins pour éviter l'éclairage artificiel) Chungking Express met en avant toutes ses idées de mise en scène. L'atmosphère se met en place grâce notamment à l'utilisation des couleurs, la subtilité de la narration, les mouvements de la caméra ou la beauté et le talent des comédiens, à l'image de l'innocence et la fraîcheur de Faye Wong ou la naïveté attachante de Tony Leung.
Il y a de nombreuses idées humaines qui ressortent aussi de Chungking Express, celle d'une solitude qui semble devoir accompagnée toutes les personnes, mais aussi d'une culture pop fortement présente. Pont entre l'Occident et l'Extrême-Orient, Hong Kong centralise diverses influences et cultures, ce que Wong Kar-wai assume totalement, il sublime cette ville et le patchwork qu'il en tire est réjouissant, souvent fascinant et on s'en émerveille facilement. Il laisse aussi une vraie place au mystère qui vient se mêler à la mélancolie, on ne sait pas d'où viennent les personnages ni où ils vont, mais il en fait une photo de l'instant, avec tout ce qui peut nous passer par la tête à un moment fixé.
L'atmosphère est aussi enivrante, grâce à des touches plus légères et assez drôles qui se mêlent à une profondeur masquée, à l'image des boîtes d'ananas symbolisant une rupture définitive. La vivacité de Chungking Express est aussi dû à de nombreuses inspirations derrière la caméra (ses cadrages et décadrages fréquents, les ralentis ...) qui auraient pu provoquer un sentiment d'excès entre de nombreuses mains, mais jamais avec lui.
Alors que California Dreamin' continuera de longtemps résonner dans les esprits, avec de nombreuses images marquantes allant avec, Chungking Express symbolise bien le cinéma de Wong Kar-wai, lyrique, coloré, émouvant, frais et à la croisée entre des cultures qui pourtant s'opposent.