Avec son attaché-case, sa chemise blanche et sa cravate, ses lunettes et sa coupe en brosse, l'anti-héros très identifiable de Chute Libre m'avait marqué à l'époque, et comme le scénario suit parfaitement, j'ai aujourd'hui encore pu apprécier à sa juste valeur l'un des rares très bons films de Joel Schumacher...


Cet ex-employé modèle donc, viré depuis un mois, et incarné à la perfection par Michael Douglas, raide comme un piquet et froid comme un glaçon, ne supporte pas la chaleur, la fumée, le bruit, l'attente, les gens, les mouches, les grossièretés - les agressions extérieures perpétuelles en somme - l'assaillant au coeur d'un embouteillage en banlieue de Los Angeles. Il finit par abandonner sa voiture en plein trafic et n'a plus qu'une seule idée en tête : "rentrer à la maison" pour rejoindre son ex-femme et sa fille dont c'est l'anniversaire, et ce par le chemin le plus court - la ligne droite. Sauf que le type est interdit de visite.


De l'autre côté, Robert Duvall interprète un flic de bureau bedonnant, et dont la retraite est au bout de la journée (pas très original pour le coup) et qui, à force de recoupements d'informations arrivées par hasard à ses oreilles, se mettra en tête de retrouver cet homme dont il est le seul à soupçonner la folie croissante. C'est un flic diplomate (figurines), pas très respecté en raison de son choix de fin de carrière derrière un bureau afin de rassurer sa femme, et qui reprendra goût au terrain, accompagné d'une jeune fliquette plutôt pas mal...


Trois points forts dans ce film : le scénario, original, sans concession et bien huilé, teinté d'humour noir aussi (le coca, le petit-déjeuner, la puissance croissante des armes qu'il trouve sur son chemin, l'épilogue absolument génial), malgré une ou deux invraisemblances (la fusillade, le coeur à droite), nous laissera suspendus tout le film aux agissements futurs de son personnage principal, dont la personnalité, la vision nouvelle de l'Amérique liée à sa carrière brisée, s'avère absolument passionnante. Le type est honnête, nerveux mais honnête, et comme il dira sur la fin : "J'ai toujours fait ce qu'on m'a dit de faire", ou encore "Je suis obsolète, pas économiquement viable". Il ne se sent pas respecté, comme l'Amérique lui semble bondée de gens ne respectant plus rien. Est-il raciste ? Hmmmm. Pas sûr. Plutôt protectionniste. Il suffit de se rappeler son face-à-face avec le vendeur néo-nazi. En fait, il en veut surtout à ceux qui ne font pas les mêmes efforts que lui, les efforts d'un bon travailleur américain. "Dieu bénisse les forçats du travail !" ajoutera-t-il aussi. L'employé se sent floué. Il ne peut plus croire en cette Amérique dévoyant sa propre religion.


Le message politique qu'il véhicule s'avère particulièrement intéressant, et surtout mené avec un jusqu'au-boutisme remarquable à travers nombreux exemples (les vieux golfeurs, la route retapée, le chirurgien esthétique pété de thunes). Le gars a vraiment l'impression que tout son monde s'écroule au fur et à mesure. Et pour péter un câble, il pète un câble. Un câble de désespoir. On pourrait par contre penser que Chute Libre souffre de beaucoup trop de personnages caricaturaux (à peu près tous en fait, mais en particulier les deux gays^^), quoiqu'on pourrait également rétorquer qu'ils collent avec le concept de normalisation du film.

RimbaudWarrior
8
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le 1 mars 2016

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RimbaudWarrior

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