Depuis que les Russes ont mis Spoutnik sur orbite, jetant l’effroi aux Etats-Unis, le jeune Homer Hickam (Jake Gyllenhaal) ne rêve plus que d’une chose : lancer une fusée dans l’espace. Encouragé par sa professeur de physique (Laura Dern), il cherche avec ses amis le moyen d’en créer une, mais son père (Chris Cooper, extraordinaire) y est fermement opposé, préférant voir son fils prendre sa suite dans la mine où il travaille… D'autant que leurs échecs successifs ne sont pas pour les rendre populaires aux yeux des autorités locales.
On a toujours des raisons de se méfier d’un biopic américain, et s’il fallait en trouver un bon exemple, Ciel d’octobre en serait un tout trouvé. De fait, le film de Joe Johnston réussit le prodige de nous faire passer par toutes les étapes du biopic type, si bien qu’il en perd tout effet de surprise, tant les ficelles employées sont grosses et déjà vues ailleurs. Et pourtant… Pourtant, s’il faut bien reconnaître une chose à Ciel d’octobre, c’est que, malgré ses grosses ficelles, il fonctionne admirablement bien.
Le privilège en revient tout d’abord aux deux acteurs principaux, Jake Gyllenhaal, qui débutait alors une carrière extrêmement riche et qui annonçait déjà l’immensité de son talent, et Chris Cooper, magistral, qui transcende tous les clichés dont est rempli son personnage pour nous y attacher irrémédiablement. De fait, si l’on pourra regretter que les scènes de conflit entre un père dur et buté et son fils idéaliste prêt à lâcher tous les membres de son entourage qui se placent entre lui et ses rêves à l’apparence démesurée tournent un peu trop à la démagogie sans nuances, Cooper parvient en revanche admirablement à briser tout manichéisme pour faire saisir au spectateur la formidable étincelle d’humanité brillant au fond de cet homme qui cache un amour profond et sincère mais maladroit, sous sa carapace de dureté.
Mais tout le casting s’avère aussi exceptionnel (les personnages féminins compensent leur discrétion grâce aux prestations grandioses de Laura Dern et Natalie Canerday), et c’est sans doute la plus grande qualité du film, qui réussit toujours à dépasser un récit déjà connu par avance pour nous dévoiler la vérité profonde de chaque être dans un étonnant mélange d’humour et d’émotion. Car un autre grand point fort de Ciel d'octobre, c’est de nous faire parcourir toute la gamme des sentiments possibles en un rien de temps, et c’est avec une aisance déconcertante que Joe Johnston, dont le sens de la mise en scène s’avère toujours aussi affûté, réussit à faire passer son spectateur du rire aux larmes. Qu’il se soit arrangé avec l’histoire réelle dont son film s’inspire (quoiqu'il semblerait que le film reste très proche du livre d'Hickam), on n’en doute pas un instant, mais si c’est pour donner un si beau résultat, on ne peut que s’en réjouir.
Au rythme d’une excellente bande-son, alternant de belles compositions originales de Mark Isham et d’entraînantes chansons d’époque, on accomplit une belle odyssée émotionnelle qui, sous sa façade de biopic conventionnel, nous raconte beaucoup de choses. De la vision du patron de mine, intraitable mais tout aussi attentif au bien-être des hommes qui lui sont confiés, à celle de l’étudiant qui apprend que seul un travail acharné et exténuant peut mener à l’accomplissement de ses rêves, Ciel d’octobre sonne souvent très juste, passé les quelques touches de moralisme sirupeux, somme toute pas trop envahissantes.
Et lorsqu’on est obligé de s’essuyer les yeux à la fin pour pouvoir continuer à suivre ce qui se déroule à l’écran, on comprend que Joe Johnston, par un travail lui aussi acharné, a bel et bien atteint son but.