Bach films est un éditeur de DVD bien connu par certains amateurs du cinéma, surtout pour ceux appréciant ses plus obscurs recoins, ses sous-genres, tout ce que le cinéma académique a parfois tendance à mettre de côté. Ils ont une charmante collection, Sexploitation, renvoyant au genre cinématographique du même nom. Cindy & Donna a été édité dans cette collection, de même que Revenge of the Virgins.
Cindy et Donna sont deux sœurs, deux jeunes femmes qui s’éveillent à la sexualité. Cindy est la plus prude, la plus réservée, elle s’interroge sur la place du sexe et sur son importance. Elle demande l’avis à sa meilleure amie, qui a déjà franchi le pas. Cindy déclare ne pas y être sensible, mais pourtant ne peut s’empêcher de profiter du spectacle des ébats de sa sœur. Celle-ci, plus âgée, a déjà consommé, elle en redemande. Elle veut jouir de la vie, faire l’amour, boire, fumer de la drogue. Mais son petit ami a une mauvaise influence.
Ce sont donc le parcours de ces deux sœurs, sur leur éveil des sens, qui est le sujet central. Leurs parents, bien présents au début, seront plus tard éclipsés puis oubliés. Mais le modèle familial présenté n’est guère fameux, le père volage, profite du corps d’une adolescente de l’âge de Cindy, et la mère boit.
Je n’ai malheureusement pas creusé les films de sexploitation pour être parfaitement sûr de ce que j’avance. De nos jours, où on se pose beaucoup de questions sur le rôle et la représentation de la femme au cinéma, ce film pourrait faire débat. Mais sa nudité est moins gratuite que celle de Breeders, par exemple, qui affichait ses héroïnes pour un oui et surtout un rien.
Dans Cindy & Donna, il y a une certaine beauté dans cet érotisme, une sensualité. Malgré la crudité de son propos, l’acte est avant tout suggéré. Ceux de ma génération s’en souviendront, les films érotiques du dimanche soir sur M6 et même ceux passant tardivement sur certaines chaînes de la TNT ont perdu le sens de la mise en image des corps qui se frôlent. Cela passe aussi par une bande-son très réussie, parfois jazzy, ou utilisant des solos d’instruments tels que le banjo et l’harmonica, qui se fondent très bien avec bien l’image.
D’autant plus que les quatre actrices qui se dénuderont au fil du film sont très jolies, Debbie Osborne, Nancy Ison, Cheryl Powell et Alice Friedland. Un malaise pèse néanmoins sur la danse en petite nue d’Alice Friedland, et de sa poitrine rebondie, au regard gêné, à la gesticulation peu sûre d’elle. Elle n’apparaît pas au générique. Heureusement, ses autres scènes sont plus agréables, puisqu’elle incarne une jeune prostituée qui garde le contrôle. Mais que les choses soient dites, je me suis posé la question à un moment si cette jeune femme avait envie d’être là, si elle ne devait pas le faire pour l’argent ou autre raison.
Debbie Osborne, quant à elle, incarne la jeune Cindy. C’est la jeune fille la moins dénudée du film, mais aussi la plus crédible. Elle connaîtra le plus grand succès du casting, en apparaissant dans une dizaine de films d’exploitation des années 1970. Dans ce film elle exerce une certaine fascination avec sa chevelure rousse, son air mutin, mais aussi sa curiosité perverse et ses paroles contradictoires, nous interrogeant si oui ou non elle acceptera le désir. C’est une assez belle transcription du passage à l’âge adulte, celui où notre corps demande et que la question se pose de quoi, comment et quand y répondre, dans le grand fatras hormonal adolescent.
C’est d’autant mieux amené que la sensualité n'est pas trop lourdement proposée, que ce sont les femmes qui ont l’ascendant. Les hommes ne sont pas forcément à leur avantage, libidineux et menteurs pour arriver à leur fin. La relation entre Donna et son petit ami est plus trouble, mais il y a malgré tout un vent de libération sexuelle pour la femme, très années 1970.
Mais il y a une fin, précipitée, stupide, et probablement moralisatrice. Elle sonne au choix comme un regain de morale au dernier moment, ou une intensité dramatique pour finir sur une note moins positive que celle du plaisir des sens. C’est une conclusion stupide.
Stupide, stupide, stupide !
Qu’un petit film, classée dans un genre mineur, puisse avoir tant d’éléments que j’ai voulu mettre en avant est un bon signe. Du haut de ma faible expérience et du peu de films vus, c’est le meilleur représentant de la sexploitation des années 1960-1970 que j’ai pu voir. Car il célèbre le désir sans être grossier, il arrive à nous intéresser à son personnage central, et ses tourments d’adolescente. Et les filles sont jolies, et certaines n’ont pas que leur corps pour elles. Bien entendu, si ce dernier point vous gêne, ou ne vous intéresse pas, Cindy & Donna perd de son intérêt, mais retenez bien ses qualités, plus nombreuses qu’on ne pourrait le croire.