Oui, d'accord, j'ai juste mis 26 ans à voir Cinema Paradiso. Et alors ?
Je sais, je suis plutôt réfractaire au cinéma italien que, pour une raison que j'ignore, j'ai beaucoup de mal à apprécier. Tenez, prenons Moretti, par exemple. Eh ben, Moretti m'emmerde. Je n'y peux rien, je trouve ses films longs et sans saveur. Du coup, je ne regarde plus de films de Moretti.
Alors, ne généralisons pas, il y a des films italiens que j'aime beaucoup. Mais... comment dire... dans l'ensemble, je n'y arrive pas.
Du coup, Cinema Paradiso ne fut pas une priorité. Mais comme on m'a demandé de le voir, je l'ai vu. Et en version longue, de surcroît ; c'est donc de cette version dont je vais parler.
La version est longue, certes, mais finalement ça ne se sent pas trop. Le film est manifestement divisé en trois parties :
1°) l'enfance de Toto
2°) Salvatore et Elena
3°) Salvatore adulte.
Cette construction permet de ne pas trop se répéter. Ainsi, Elena arrive juste quand le film menaçait de s'enliser, et elle permet de relancer l'intérêt du spectateur sans pour autant s'éloigner des éléments constitutifs du film.
Et quels sont ces éléments constitutifs ? C'est simple : le portrait d'un village sicilien et la place du cinéma.
Car Cinema Paradiso, c'est d'abord un décor et une ambiance. Un village du cœur de la Sicile, éloigné de tout, montré avec nostalgie dans ses détails presque caricaturaux : le prêtre, l'homme d'affaires, l'idiot du village, et tous ces personnages qui parlent haut et fort, dégainent leurs insultes plus vite que leur ombre mais qui forment quand même une communauté.
Et, bien entendu, l'autre thème, c'est le cinéma. Omniprésent dans la vie de Salvatore (dit Toto), il l'accompagne à chaque instant. La première fois qu'il rencontre Elena, il la filme. La salle de cinéma est un lieu social, où les générations se réunissent et où il y a une incroyable vie, foisonnante et excessive parfois. Au cinéma, les couples se forment, on fait l'amour, on pleure, et il y a même la mort. Aussi, il n'est pas surprenant que quand Savatore fait le bilan de sa vie, dans une extraordinaire scène finale, c'est en projetant un film...
Dans les deux cas, que ce soit pour le cinéma ou le village, le film insiste sur une inévitable évolution. L'histoire commence juste au sortir de la guerre, dont le village porte les stigmates (maisons détruites, père de Toto tué en URSS) et s'achève dans les années 80, alors que la place où se déroulent tant de scènes importantes est envahie par les panneaux publicitaires et les voitures.
Cette évolution touche aussi le cinéma, qui passe de La Chevauchée Fantastique à Et Dieu créa la femme, en passant par La Terre Tremble ou Le Cri. Évolution des films, mais aussi des techniques. Et aussi passage d'une salle de cinéma gérée par le prêtre à une salle gérée par un homme d'affaires.
Le film joue peut-être un peu facilement la carte de l'émotion nostalgique, certes, mais ça marche. Le final est absolument irrésistible, aidé en cela par la sublissime musique de Morricone Père & Fils. L'interprétation est une grande réussite (Jacques Perrin, tout en retenue, est formidable) et la réalisation, ne cherchant pas de grands effets, échappe au mélo, mélange les émotions diverses (il y a des scènes très drôles et d'autres plus dramatiques) et livre un film délicat, esquivant, l'air de rien, les pièges tendus sur sa route.
Pour une autre critique, viendez lire ça : http://www.cineseries-mag.fr/cinema-paradiso-un-film-de-giuseppe-tornatore-critique/