Tommy et Joanne forment un couple pas forcément aisé mais heureux, dans l’attente de leur premier enfant. En décrépitude, leur quartier est « réhabilité » dans un gros projet immobilier et, à cette occasion, ils doivent quitter les lieux. Seulement, le jour du déménagement, Tommie va laisser sa compagne le temps de descendre quelques affaires et, bloqué dans l’ascenseur au retour, il va assister impuissant à l’agression de celle-ci par d’étranges adolescents. Traumatisé et devenu agoraphobe, Tommie assume comme il peut sa fille dont l’accouchement a été provoqué et peine à sortir de chez lui ne serait-ce que pour rendre visite à l’hôpital où Joanne est maintenue dans le coma. Pour ça, il suit une thérapie et tente de reprendre le dessus … mais il va découvrir bien vite que les adolescents n’en ont pas tout à fait fini avec eux … et qu’ils n’ont plus grand chose d’humain.
Ciarán Foy est là … à cette première française de son premier long métrage. Il nous explique qu’il fut agressé plus jeune au marteau (ce qu’on appelle ne pas y aller avec le dos de la cuillère (ô_Ô )), menacé avec une vieille seringue usagée par des jeunes d’une quatorzaine d’années et par « pure » violence gratuite. Logiquement profondément traumatisé, il en devint agoraphobe, ne quittant rarement ou que très difficilement son cocon.
Il n’y a ici pas mystère que la matière première du film vient de ce passage à tabac tant on y retrouve tous les éléments, et c’est fou comme ce film retranscrit incroyablement bien la psyché, la chute libre dans cette peur de l’extérieur. Personnellement, c’est un mal dont je n’ai heureusement jamais souffert et, grâce à cette fiction, ce qui me paraissait difficilement compréhensible me parait désormais intelligible ; non pas que vous allez tous faire une crise d’angoisse pendant le visionnage mais l’ambiance générale est oppressante, suffocante … les rares moments d’accalmie n’en soulignent que mieux les instants de panique.
Je ne suis donc pas forcément le mieux placé pour en juger mais on a certainement là la palette d’émotions par lesquelles tout agoraphobe doit passer. Les relations père/fille voient d’ailleurs des réactions systématiques de l’enfant par des cris et des pleurs à l’insécurité permanente du patriarche … comme un écho au manque dont ils manquent tous les deux.
Aussi, le film permet intelligemment plusieurs lectures, la citadelle est déjà celle que Tommie a dans le crâne, puis celle de son logement pour finir dans celle des agresseurs. Notre anti-héro va lentement quitter et outrepasser ses premières limites, reprendre le dessus et frontalement se confronter aux sources de son mal. La représentation démoniaques des adolescents et des lieux ajoutent au sombre tableau, allégorie d’une vision déformée par la peur ?
Plus basiquement, énorme performance du duo Aneurin Barnard / James Cosmo, le premier campant le personnage principal un brin névrotique et le second un prêtre très peu orthodoxe (non pas la religion) et pas réconfortant pour un sou … Wunmi Mosaku adoucissant un peu l’ensemble (et c’est bienvenue).
Au final, c’est pour moi la première grosse claque du festival, une plongée abyssale dans la noirceur humaine, sa lutte interne, d’autant plus poignante qu’elle a sa part autobiographique, et quelle musique de Tomandandy … discrète mais terriblement efficace !
PS : par contre, ça donne pas DU TOUT envie d’aller en Irlande (^_^’ )