Paranoïaque serait l’adjectif approprié pour parler de Citizenfour, sorte de film complètement ahurissant tant il semble sur le fil du rasoir entre réalité et fiction. Il arrive régulièrement pour le citoyen lambda de ne pas croire à toutes les théories du complot formulées sur internet sur un ton très revendicateur voire même effrayant. Et si certaines sont, de manière équivoque, ridicules et montées de toutes pièces, il n’en est rien en ce qui concerne le système de surveillance PRISM mis en place par le gouvernement américain. Un système global, chargé, après les attentats du 11 septembre, de collecter tout types de données téléphoniques, radiophoniques, bancaires ou internet sur les citoyens américains, suspects ou non. Probablement le plus gigantesque jamais conçu dans l’histoire, comme un Big Brother devenu réalité. Mais si nous sommes au courant de cela aujourd’hui, et si Laura Poitras nous en parle aujourd’hui, c’est parce qu’elle cherche aussi à rendre hommage à l’homme qui a révélé toutes ces informations : Edward Snowden. Ancien analyste sous-traitant pour la NSA (National Security Agency) qui a contacté la réalisatrice et des journalistes pour percer à jour ce système anticonstitutionnel et, osons dire le mot, dictatorial. Et pourtant, si l’on suit l’actualité, on sait d’ores et déjà que Snowden n’a en rien été remercié pour ses actions par le gouvernement américain, mais plutôt poursuivi en justice. Aujourd’hui en asile politique, il ne peut plus retourner sur le territoire américain, tout comme Laura Poitras et Glenn Greenwald (journaliste du Guardian ayant écrit en premier un article sur le sujet), qui l’ont aidés dans sa démarche sont désormais sous la pression du FBI qui essaie de faire en sorte que les fuites n’arrivent plus.
Mais outre l’aspect complètement révoltant du film, dans son idée même qu’un Etat comme les Etats-Unis régisse le monde et dicte ses propres règles, c’est l’aspect du film en lui-même qui impressionne. Monté comme une véritable fiction, sur fond d’espionnage et de suspicions, celui-ci produit exactement l’effet escompté sur son public : la peur. Via une alarme incendie qui résonne de manière imprévue, ou encore les musiques de Nine Inch Nails habilement insérées dans le récit, tout le film de Laura Poitras résonne comme un film paranoïaque, laissant pourtant assez de souffle au spectateur pour qu’il puisse prendre avec recul ce qu’il voit à l’écran. Malgré des baisses de rythme assez importantes, le film impressionne par sa qualité et l’idée que oui, tout ceci est bien réel, des agents doubles au tentatives de pression sur des citoyens innocents. Un documentaire passionnant, et qui sera d’actualité durant de nombreuses années.
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