Au cœur d’une époque en proie à une folle escalade de la violence, dans une société qui semble au bord de l’explosion, le film Civil War fait un tout petit pas en avant pour nous précipiter dans cette chute vertigineuse et anxiogène vers la fin de notre civilisation. Le parallèle de cette fiction avec nos tragédies contemporaines est flagrant et la force du film est de ne pas se cacher derrière un univers de super-héros ou une galaxie très lointaine.
Cette vision dystopique des Etats-Unis est glaçante par sa proximité avec notre actualité. Pour autant, à aucun moment Civil War n’est un film politique, du moins probablement pas là où on l’attend. Le scénario ne construit aucune analyse de conflit ou autopsie géo-politique. Cette guerre civile dans laquelle les Etats-Unis sont plongés n’est qu’un décor. Ce qui est au premier plan dans le scénario est en réalité une guerre de l’image. Ce propos majeur déployé par le film n’en est pas moins intéressant et tout aussi contemporain.
Les journalistes sont embarqués vers un dédale de violence qui semble avoir peu à peu raison de leur sensibilité et de leur lucidité. Une sorte d'adrénaline effroyable et malsaine prend le pas sur la quête et les valeurs de ces journalistes. Le goût du sensationnel envahit progressivement le film, jusque dans sa mise en scène beaucoup plus frénétique. La récit aussi se perd dans l’absurdité, peut-être plus celle des protagonistes que d’un scénario incohérent. On reste pantois face au feu d‘artifice final qui nous laisse dubitatif face aux instincts ineptes des protagonistes, mais le trait caricatural n’est peut-être pas si grossier.
Le film apparaît balourd sur certains aspects et pourrait s’affiner dans l’écriture des personnages; à deux exceptions près. Celui de la reporter chevronnée au trauma béant, incarnée avec force et subtilité par Kirsten Dunst. Et celui du soldat menaçant de sa mitraillette et de son patriotisme extrême. Ce personnage impertinent (incarné de façon glaçante par Jesse Plemmons) a toute sa place dans cette galerie très contemporaine de personnages etasuniens très fantasques qui n’est pas pas sans faire penser à l’invasion du capitole de janvier 2021. L’horreur passe au rythme d’une bande son entraînante. Sinistre à souhait.