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Civil War
6.9
Civil War

Film de Alex Garland (2024)

Ouais, même en poussant au maximum le curseur de sa suspension d'incrédulité, c'est franchement difficile de trouver une once de vraisemblance quant au fait que si, pour le président des États-Unis, rester à la Maison-Blanche présentait le moindre danger pour lui, ses services secrets n'auraient pas à disposition des milliers d'endroits dans le pays ou, au pire, à l'étranger, pour le cacher et le protéger ; qu'il n'y ait pas le moindre protocole, en ce qui le concerne, de prévu, en cas de guerre civile. Pour un premier abord, ce n'est pas génial.


Un autre (bien plus gros et encore bien plus gênant !) défaut de l'ensemble réside dans le fait que si les quatre protagonistes de l'histoire font quelques centaines de kilomètres en voiture pour interviewer le chef de l'État (partant du principe que celui-ci n'a que cela à faire !), le tout est trop court pour que l'on ressente la distance parcourue, en partant du principe qu'elle devait paraître interminable parce que le danger peut être en embuscade partout.



Cela donne plus l'impression d'une succession de moments chocs qui se suivent, sans véritable lien, les uns avec les autres, que d'un tout avec une cohérence dans l'évolution des caractères (ça ne va jamais plus loin dans la construction de ces derniers que l'archétype que chacun représente, on ne le dépasse jamais - ce qui contamine aussi leurs relations qui ne changent pas d'un iota !), dans la situation que vit un pays. Des œuvres comme Apocalypse Now, Requiem pour un massacre ou Children of Men (auxquelles l'atmosphère cauchemardesque et la structure narrative de Civil War font penser !) réussissent là où le film critiqué ici échoue.


Je passe vite fait sur la séquence de conclusion lors de laquelle personne ne se dit que porter des protections adaptées serait peut-être une bonne idée.


Bon, Alex Garland n'essaye pas de nous expliquer le pourquoi de cette guerre civile pour plonger tout de suite dans le feu de l'action (ce qui n'est pas un reproche de ma part, car l'horreur d'une situation en elle-même peut fournir assez de matière et aussi parce que représenter une démocratie comme très fragile est, hélas, crédible !), à travers les portraits (superficiels !) de deux photographes et de deux journalistes de guerre. Le vieux sage avec un instinct qui ne le trompe jamais. Le fou qui a l'air d'avoir sa dose à chaque fois qu'il a l'occasion d'assister à de la violence. L'aguerrie faussement placide devant tout ce qui se passe. Et la jeune débutante qui veut apprendre les ficelles du métier.


Une qualité évidente qu'il ne faut pas occulter de souligner, c'est que les quatre acteurs principaux font péter le compteur de charisme : Stephen McKinley Henderson, Kirsten Dunst, Walter Moura et Cailee Spaeny (celle-ci, après avoir été le seul élément à réussir à donner de l'intérêt et de la consistance à ce film inintéressant et vide qu'est Priscilla, confirme qu'elle a tout ce qu'il faut pour tenir un rôle de premier plan !). S'il y a un mince attachement émotionnel avec les personnages qu'ils incarnent, c'est nettement plus parce que les interprètes sont tous très bons, tous avec un charisme de dingue, que pour la construction psychologique quasi inexistante des rôles.


Civil War est aussi digne d'intérêt quand il laisse entrevoir des questionnements moraux sur les professions des personnages principaux, sur ce qui les anime. Il n'est pas difficile d'intégrer que l'objectif noble d'informer est loin d'être leur moteur principal. Il suffit de voir l'extase qui transparaît sur le visage du reporter, incarné par Moura, ou de montrer quelques rendus du choix esthétique (et artistique !) de l'argentique et du noir et blanc, pris par la photographe, incarnée par Spaeny, pour le comprendre. C'est même uniquement que quand ils prennent conscience que, eux aussi, sont mortels que la gravité de la situation que vive leur nation leur saute à la gueule. C'est peut-être la seule parcelle d'évolution qu'ils ont, mais il n'y a pas le temps de l'exploiter étant donné qu'on est presque sur la fin. Bordel, il y aurait pu y avoir une profondeur de ouf si, pour citer un exemple (parmi tant d'autres !), la dynamique entre la "tutrice", par la force des choses, et son apprentie avait été exploitée à fond (et ne pas être coincé constamment sur le motif "je vous suis parce que je suis trop votre fan et que j'ai trop envie d'apprendre de vous !").


Le décès et le sacrifice finals auraient été bien plus impactants.


Pour en revenir à l'accumulation de moments chocs (mention spéciale à la courte apparition, d'une tension effroyable, de Jesse Plemons, comédien qui a l'incroyable capacité de dégager une véritable sensation de cruauté froide, sous des airs normaux... le film confirme ce que la série Breaking Bad avait déjà remarquablement mis en avant sur son talent !), il en ressort de temps en temps et naturellement des instants d'absurde et de comédie noire, comme peut le permettre une guerre fratricide lors de laquelle il est souvent difficile de saisir qui affronte qui dans cette confusion immense, lors de laquelle le moindre repère est impossible.


En fait, pris dans leur unicité, quasiment toutes les scènes sont remarquables en soi. Mais le rendu global du long-métrage ne m'a pas convaincu parce que le problème susmentionné des personnages, parce qu'aussi, on n'a pas l'impression, avant la conclusion, d'une quelconque avancée de la situation nationale (ce qui aurait pu permettre, au passage, une petite réflexion sur les divisions exacerbées, en plus d'être bien contemporaines, qui règnent en Amérique, non ?). Sur ceci, justement, les personnages n'ont pas les moyens humains, techniques et numériques de s'informer bien que leur profession est d'informer ? Ou si ce n'est pas le cas, ça n'est jamais mis en exergue, alors que ça me paraît un aspect essentiel quant au potentiel du sujet, à l'intensité que ça peut foutre (quoi de plus flippant que l'inconnu !). J'ai angoissé lors de certaines parties, dans leur unicité (pour me répéter !), mais pas tout au long du film.


Il serait, malgré tout, malhonnête de ma part de ne pas exprimer mon admiration pour la mise en scène impeccable du film, pour le spectaculaire qui apparaît au détour de séquences d'ampleur, en dépit du fait que le réalisateur a bénéficié d'un budget plutôt limité pour ce type d'œuvre cinématographique. Dommage que l'écriture ne soit pas du tout à la hauteur de cette mise en scène, de cette distribution, de certaines bonnes idées scénaristiques, du potentiel de son sujet.

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le 18 avr. 2024

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Plume231

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