Civil War
6.8
Civil War

Film de Alex Garland (2024)

"Civil War", réalisé par Alex Garland, plonge les spectateurs dans une expérience immersive et troublante d'une guerre civile fictive aux États-Unis. En situant l'action sur le sol américain, Garland propose une réflexion sur les tensions sous-jacentes de la société contemporaine, mais sans vraiment approfondir les motivations des rebelles, ce qui laisse une certaine opacité sur les enjeux idéologiques du conflit.

Le choix de situer l'action aux États-Unis permet de créer une expérience plus intime pour les spectateurs occidentaux, leur offrant une sorte de catharsis cinématographique. Cependant, les motivations des rebelles ne sont pas clairement développées, et les états sécessionnistes, la Californie et le Texas, ne présentent pas une coloration politique ou idéologique claire, ce qui peut laisser le public dans l'incertitude. La Californie et le Texas sont souvent perçus comme des symboles de polarités politiques et culturelles aux États-Unis, la Californie étant traditionnellement plus libérale et progressiste, et le Texas étant vu comme plus conservateur et républicain. Cette polarité pourrait suggérer une diversité de motivations pour la sécession, mais le film ne précise pas ces aspects, ce qui ajoute à l'ambiguïté et à l'incertitude sur les raisons du conflit.

Le film offre une représentation fictive de la guerre civile qui permet aux spectateurs de confronter leurs peurs et leurs angoisses dans un cadre sécurisé. Cette fascination pour le chaos, paradoxalement jouissive, est un moyen pour les spectateurs de vivre une expérience intense et cathartique, tout en réfléchissant aux conséquences possibles des divisions internes de la société. La guerre civile peut être vue comme le scénario anarchiste de la droite, tout comme la révolution est souvent considérée comme le scénario anarchiste de la gauche. Dans les deux cas, l'effondrement de l'ordre établi permet aux individus de penser qu'ils retrouveront une forme de liberté dans le chaos. Un peu comme les survivalistes, qui à la fois craignent et espèrent au fond d'eux l'effondrement total de la société, les spectateurs peuvent ressentir une libération paradoxale en imaginant une telle situation extrême.

La séquence finale, où une prise d'assaut d'un bâtiment gouvernemental est mise en scène, soulève des questions sur la nature des événements présentés. Garland brouille les lignes, créant une tension narrative et visuelle fascinante. En regardant ces images, il est alors difficile de déterminer si l'on assiste à un coup d'État ou à une révolution. Cette réversibilité souligne que la révolution des uns peut être perçue comme le coup d'État des autres, et inversement.

Les personnages du film, en particulier les reporters de guerre, sont animés par une fascination pour le danger et une quête de vérité. Kirsten Dunst interprète Lee Smith, une reporter chevronnée, tandis que Wagner Moura joue Joel, son collègue dévoué. Leur dépendance à l'adrénaline et leur engagement éthique soulignent la complexité de leur profession. Ils sont prêts à prendre des risques extrêmes pour documenter la réalité des conflits, tout en naviguant entre leur devoir moral et les dangers personnels.

Le film reproduit un schéma familial à travers ses personnages principaux. Lee Smith incarne une sorte de mère de famille, Joel et Sammy (interprété par Stephen McKinley Henderson) jouent des rôles de père et mentor, tandis que Jessie (interprétée par Cailee Spaeny) est vue comme la fille. Cette structure renforce les liens intergénérationnels et les responsabilités partagées, ajoutant une dimension humaine à l'histoire. La fascination des personnages pour le chaos, ainsi que la reproduction d'un schéma familial traditionnel, renforce l'identification des spectateurs aux protagonistes. Cette structure conforte le public dans l'attachement et la compréhension des dynamiques familiales et personnelles des personnages.

La prestation de Kirsten Dunst est à contre-emploi de ses rôles emblématiques. Habituellement, elle incarne des personnages féminins objets de convoitise, mais dans "Civil War", elle joue un personnage féminin en quelque sorte périmé. L'hypothèse d'une relation amoureuse passée avec Joel peut être imaginée, mais son intérêt semble maintenant se porter sur la jeune reporter débutante, Jessie. Symboliquement, ce déplacement du désir masculin vers Jessie indique qu'elle prendra le rôle de Lee, ce qui est renforcé par la fin du film, où Lee est tuée et Jessie prend le cliché de Lee mourante, marquant le passage de témoin.

"Civil War" d'Alex Garland est un film qui offre une expérience immersive et complexe de la guerre civile aux États-Unis. Il met en scène des personnages fascinants, notamment des reporters de guerre animés par leur quête de vérité. En jouant sur l'ambiguïté entre coup d'État et révolution, le film incite les spectateurs à réfléchir sur les dynamiques de pouvoir et les motivations des acteurs impliqués. La prestation de Kirsten Dunst, à contre-emploi de ses rôles habituels, apporte une dimension supplémentaire à l'histoire.

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8
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le 3 déc. 2024

Critique lue 7 fois

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