Quand j'ai appris le décès d'Agnès Varda, je me suis dit qu'il serait enfin temps de m'intéresser à son œuvre. Et merci Arte d'avoir eu la bonne idée de proposer Cléo de 5 à 7 sur son site.
J'avoue que je me suis demandé où je mettais les pieds au départ. Le propos m'intéressait peu, les situations encore moins, des transitions sont hasardeuses et le jeu de certains acteurs était très approximatif. J'y ai d'abord vu une curiosité temporelle sur le Paris de cette période : les taxis, les magasins et les bars, les seins en pointe (pas étonnant que ce soit l’un des films favoris de Madonna)...
Et puis, j'ai été surpris puis fasciné par certains aspects de la mise en scène. Au point de revenir en arrière plusieurs fois. Les travelling de Varda sont audacieux et disent plus qu'on ne peut y croire au premier regard.
Arrive alors cette scène de chant avec Michel Legrand (autre grand disparu de cette année) où d'un groupe de musicien, la caméra glisse vers un portrait frontal d'une Corinne Marchand saisissante et bouleversante. J'ai compris alors que ce n'était pas que les divagations d'une starlette capricieuse.
Comme les superstitions, les symboles sont partout dans ce film. La diseuse de bonne aventure nous a tout annoncé finalement dès le départ.
Au final, le film est plus subtil. Il s'agit d'une femme apeurée angoissée, qui emplit par le vide une attente mortifère. Une femme qui à la fois recherche et fuit le regard des autres, cherche l'admiration et fuit la pitié. Une femme double, qui livre à la fin son double statut de Florence et de Cléo, l’Italie face à l’Egypte, la Renaissance face aux momies.
Se balader dans Paris, c’est être en mouvement, c’est être en vie. Et rien de mieux que le bavard Antoine pour combler le vide et le silence. Un autre individu qui fuit la mort, celle absurde de la guerre d’Algérie.
A l’image d’Angèle, l’ange surprotecteur, et de ses amis, le spectateur ne doit pas faire l’erreur de traiter de légère et capricieuse cette Cléo (de 5 à 7).
Merci Madame Varda. Même si j’arrive sur une piste de danse déserte, vous n’en finirez pas de nous faire danser.