J'attendais Clerks III avec une impatience teintée d'appréhension, que des premiers retours assassins n'ont d'ailleurs pas apaisée. Heureusement, je vais me positionner à contre-courant pour rejoindre la minorité qui voit dans Clerks III l'un des meilleurs films de Smith.
Je vais passer outre les arguments sur la réalisation assez plate, puisque Smith a toujours été aux fraises sur le plan technique (il faut être lucide) : sa grande force repose sur des personnages parfaitement écrits et attachants, des situations improbables qu'il parvient à rendre crédible, un superbe timing comique, des répliques ciselées et un commentaire pertinent sur la pop-culture ; et Clerks III n'y fait pas défaut. Cependant, Smith surprend en délaissant ici un ton léger pour embrasser la tonalité sombre, dépressive et même désabusée de ses films d'horreur (Tusk et surtout Red State, deux perles trop méconnues). Clerks III prend alors des atours de film-somme, sans doute sous l'influence du grave accident cardiaque qui a failli expédier son réalisateur dans la tombe. Conscient de sa mortalité, Smith teinte ses habituelles boutades d'un arrière-goût amer, qui explique probablement la réception mitigé même parmi ses fidèles habitués. Mais si le rire y est plus que jamais la politesse du désespoir et si les dissertations sur la pop-culture trahissent un profond désenchantement, Smith ne casse pas pour autant ses vieux jouets et les rend même plus attachants en révélant leurs fissures, leurs doutes et surtout leurs colères par-delà les sourires de circonstances.
Clerks III est le poignant film-confession d'un comique qui assume pleinement son côté sombre, et il me tarde d'assister aux prochains travaux de cet artiste enfin réconcilié avec lui-même.