Gaspar Noé est un cinéaste à part dans la sphère cinématographique hexagonale. Son style, clivant produit soit une admiration ou un rejet total, en fonction de la perception même du spectateur qui se prend l’un de ses films en pleine gueule. Avec son dernier film, Love, le français avait désarçonné et un peu déçu son auditoire, avec une certaine radicalité « pornographique » ondulée par le pouls d’une réalisation plus simple et humble qu’à l’accoutumée.


En cette année 2018, Climax vient mettre un gros coup pied dans la fourmilière et voit Gaspar Noé renouer avec toute la fureur sensorielle et la frénésie sursaturée de son cinéma : comme si nous étions plongés dans une maison hantée hallucinogène. S’articulant souvent autour d’un personnage central en proie aux doutes ou d’une conscience qui recouvre le ciel de son odyssée (Enter The Void), Climax, lui, mise sur la communauté, la communion d’une bande de danseur. De l’individualisme primitif et errant, Gaspar Noé se penche dorénavant sur la collectivité, la notion de groupe pour ainsi fêter la vie tout comme la voir exploser.


En ce sens, Gaspar Noé, présente une France multicolore où les genres se télescopent, une jeunesse aux discours crus et puérils, une France qui nettoie ses plaies par la fièvre de la danse et des soubresauts des corps en perpétuelle agitation : où Climax ne voit que l'obscurité dans une expression corporelle tétanique. Virtuose, hypnotique, omniscience, la caméra du cinéaste et les mouvements de cette dernière ont souvent été un tour de force dans sa filmographie, un Everest de surenchère technique éblouissante mais ici, malgré la justesse hallucinante de l’exercice de style qu’est Climax, le cinéaste démontre un amour fou pour ses personnages, ou pour être plus clair, pour ses actrices/acteurs.


C’est l’une des plus belles choses du film : voir un réalisateur prendre un plaisir non dissimulé à laisser agir ses danseurs, devenant des maitres d’œuvres de la nouvelle orgie esthétique du français, notamment durant ces deux premières scènes de danses (de face ou en contre plongée) s’avérant extatiques et d’une fluidité assez incroyable. Sauf que Gaspar Noé, est malin, aime quand ça bouillonne, aime quand ça tourbillonne pour faire agir le poison même de la folie : lui et ses acteurs ont utilisé la danse comme moyen d'exprimer la décomposition d’une société en feu de paille.


Dans Climax, dans ce gymnase qui au départ sert de piste de répétition, le huis clos va petit à petit se déclencher suite à une Sangria « empoisonnée » et dégénérer en danse macabre digne de Possession de Andrzej Zulawski où l’on croirait revoir le spectre d’Isabelle Adjani. Il est clair que Gaspar Noé détient ce plaisir à explorer la dépravation et le vide qui gronde sous le vernis de l’humanité comme pour mieux se dévisager lui-même.


A partir de ce moment-là, sans que l’on soit dans la redite ni l’autocitation, Gaspar Noé revient aux fondamentaux de son cinéma : une caméra mouvante et troublante, des personnages épris d’une noirceur harcelante proche des zombies de George Romero, une photographie chromatique et horrifique (Benoit Debie une nouvelle fois), une sexualisation à outrance, une violence progressive, une plongée dans l’horreur humaine. Le cinéaste empile alors les scènes d’anthologie, les vociférations qui s’étouffent dans un long couloir mortifère, démontre une nouvelle fois la qualité du montage de ses films.


Climax n’est pas qu’un simple clip, mais bel et bien un objet cinématographique féroce, où le sang jaillit sur la neige comme les murs tremblent sous les spasmes de cette bande de danseurs. Souvent catalogué vainement d’opportuniste ou de simples provocateurs de pacotilles, Climax prouve une nouvelle fois que Gaspar Noé est un amoureux de cinéma, qui s’inspire autant de ses références qu’il s’amuse à les déconstruire.

Velvetman
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le 18 sept. 2018

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