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Une critique française et fière de l'être

Séance unique en Guyane pour ce film, je ne savais rien, je n'avais vu aucune image, je ne suis même pas sûr d'avoir vu l'affiche en grand, je savais juste que c'était le dernier Gaspard Noé et que j'allais prendre mon pied. Enfin façon de parler...


Et se fut une claque. Les débiles du cinéma où rallumé la lumière 5 minutes avant la fin... niquant tout le travail sublime sur la lumière de Noé... mais malgré ça j'en suis ressorti tremblant, je foulais voir le Delépine et Kervern ensuite, j'ai pas osé, ça sera pour une autre fois. Après Climax j'étais soufflé.


Je crois que c'est l'une des expériences les plus intenses de cinéma que j'ai eu l'occasion de voir (depuis Enter the Void peut-être ?), parce que pour Noé le cinéma c'est un art total, tant de la mise en scène, que du son, que chorégraphique... On ressort du film totalement lessivé parce que l'on a vu. Et pourtant je dirais que c'est le film le plus sage de Noé, ici pas de viol en plan fixe, pas de sexe non simulé, en plus c'est assez court contrairement à Enter The Void qui portait le délire sur 2h40... et pourtant...


Malgré qu'il soit plus sage il arrive à franchir toutes les barrières morales, tous les tabous, tous les interdits... le viol, le meurtre, l'avortement, l'inceste... et j'en passe pour ne pas trop en révéler... Tout y passe... Il n'y a que Noé qui arrive à atteindre un niveau aussi malsain sans que ça apparaisse gratuit, ou juste ridicule.


Le film surprend dès son ouverture, que ça soit avec la mise en scène, le générique... et puis tout à coup plus rien, on a de longues minutes d'entretiens, diffusés sur une télé, où des jeunes gens parlent de leur rapport à la danse, on comprend qu'ils passent une sorte d'audition, ça se passe en 96, la qualité est digne d'une VHS et autour de l'écran qui diffuse ces interviews à gauche des livres à droite des films... Et finalement au fur et à mesure que les entretiens passent il y a tellement de choses à voir sur ce plan fixe sur cette télé qu'on ne s'ennuie pas. Alors après avoir vu le film on comprend que ça n'a pas été mis là au hasard, que ce n'est pas gratuit, genre Suspiria à mon avis la sublime photographie du film de Noé vient de celui d'Argento. Et puis certains livres, notamment le Cocteau (pas encore lu) : de l’inconvénient d'être né annonce déjà la couleur. On y retrouve même de Georges Bataille, il a bon goût le Noé.


En fait il donne les clés de son œuvre dès le début et à nous de voir ce que l'on arrive à saisir à la volée.


Puis Noé montre tout son talent de metteur en scène avec un plan séquence (alors j'étais à fond dans le film, peut-être que je me trompe et que s'en est pas un seul, mais plusieurs) juste fou qui enchaîne une séquence de danse (chorégraphiée) endiablée, avec le début d'une fête. Et là on comprend que non seulement Noé est un grand metteur en scène, mais qu'en plus il sait écrire, parce que pour réussir à faire ce qu'il a fait avec les personnages dans Climax, c'est juste fou.


En gros dans un film d'une heure trente il arrive à donner à chaque personnage une vraie personnalité, un vrai but, des vraies préoccupations, juste avec deux trois lignes de dialogues, mais surtout avec leur attitude, la manière avec laquelle les autres les regardent et interagissent avec eux. C'est juste brillant. Surtout que c'est réaliste. Je veux dire ils ne se mettent pas à philosopher, ils parlent comme parlent vraiment les gens et de ce dont parlent vraiment les gens : de cul.


Ça plus les séquences de danses qui sont juste hallucinantes, l'entrée en matière est juste parfaite. On en a pris plein la gueule, on connaît les personnages... on sait qui ils sont... Bref c'est fabuleux. Je trouve ça brillant la manière avec laquelle Noé filme un groupe de danse qui a une unité, qui semble soudé, bien s'entendre, puis dont on voit dès le moment où les personnages commencent à parler à quel point ce n'est qu'une façade.


Puis, il y a la seconde partie du film, tellement malsaine, on poursuit la dislocation du groupe jusqu'au bout, jusqu'à irréversible. Noé se sert de son talent de metteur en scène pour mettre le spectateur vraiment mal à l'aise, il use et abuse encore du plan séquence, enfermant le spectateur dans cette fête qui tourne vraiment mal, le plaçant à auteur de ses fêtards et leur affligeant la même drogue à l'aide de sa mise en scène. L'expérience n'est pas des plus agréables. Je mentirais si je disais le contraire. C'est malsain, glauque au possible et comme dit précédemment tous les tabous seront brisés.


Il y a dans ce film une scène que je trouve vraiment horrible, peut-être la plus horrible de toutes, parce que profondément tragique, lorsque la folie s'attaque à quelqu'un d'innocent et commet l'irréparable. Le spectateur sait ce qu'il va se passer, on le voit venir et lorsque ça arrive la réaction est gens rend le tout encore plus glauque, car ça les fait rire.


Noé en sadique place le spectateur en spectateur (justement) impuissant par rapport à ce qu'il voit, empêché d'agir, comme les personnages sont empêchés d'agir rationnellement.


C'est sans doute un film à revoir, un film à laisser décanter, à film à adorer détester (ou l'inverse peu importe), mais en tous cas c'est un film marquant, qui fait mouche dans chacun de ses choix, maîtrisé du début à la fin et un pur chef d’œuvre de pur cinéma.

Moizi
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le 3 oct. 2018

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Moizi

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